DE LOREAN DMC-12 / 1981-1983
Nous voilà à la date anniversaire évoquée dans le film, l'occasion pour moi de remettre la voiture que j'ai traité au début de l'année sur le devant de la scène.
Pour beaucoup la DeLorean est la voiture de la saga des films "retour vers le futur". Pourtant le premier des trois films est sorti en 1985 soit 2 ans après la fin de la très ou trop courte production de la DMC-12 qui est une vraie voiture de route. Voici un petit résumé de cette voiture dite de sport avec quelques infos que peut être ceux qui la connaissent ne savent pas !
Tout remonte à 1974 en pleine crise pétrolière, où John Zachary DeLorean ex numéro 2 de General Motors créé la JZDC (John Zachary DeLorean Corporation) puis rapidement une fois des fonds rasssemblés la fameuse DMC (DeLorean Motor Compagny) que l'on retrouvera sur la calandre de l'auto. Cet ingénieur dont les origines sont...alsaciennes mais de parents d'Europe de l'Est immigré aux Etats Unis commence sa carrière chez Chrysler en tant qu'ingénieur avant de rejoindre très rapidement Packard puis Pontiac avant de rentrer par la grande porte chez General Motors en 1965. Il évoluera dans les hautes sphères du groupes avant d'être remercié en 1973.
L'homme s'il est controversé a une idée en tête : concevoir un véhicule de sport révolutionnaire pour le marché américain afin de concurrencer les grandes marques européennes comme BMW ou Porsche. De Lorean a d'ailleurs des idées très en avance à appliquer : une coupure de plusieurs cylindres lorsque le moteur est en faible charge afin de consommer moins (système "zas" lancé chez nous par Mercedes en 1998 et utilisé de nos jours par le groupe VW sur son 1.4TSi), l'implantation d'airbags frontaux,un antidémarrage anti alcool ou drogue avec un code afin d'éviter tout démarrage dangereux ou encore des ceintures de sécurité obligatoires.
Pour ce faire grâce à des capitaux privés il créé la DMC et débauche le père des Pontiac GTO et Trans-Am. Souhaitant une voiture performante, il faut qu'elle soit légère. Imaginée dans un premier temps à base de "plastique" très résistant équivalent à la solidité de l'aluminium, cette solution fut rapidement écartée (faute d'industrialisation aisée et à des montages financiers jugés déjà douteux) pour s'orienter vers la marque Lotus qui avec son modèle "Esprit" maîtrise parfaitement la fibre de verre. Favorisé par la rencontre avec le designer Giugiaro, un premier concept en bois est présenté en 1975 après des esquisses à moteur central arrière mélange de concepts Maserati ou Porsche de l'époque. L'une des particularité de la DMC-12 est ces portes papillons dites de mouettes issue de l'esprit des Mercedes 300 SL de 1952 ou du prototype C111 II de la même marque de 1969. Si Giugiaro travaille avec aisance le design, la partie technique et plus précisément celle du moteur est plus ardue. Les connaisseurs savent que c'est le V6 2.8 PRV (Peugeot Renault Volvo) qui sera finalement implanté dans la voiture. Pourtant à l'origine les études ont portées sur l'implantation d'un moteur rotatif bi ou quadrirotor Wankel afin de coller à l'esprit et au design avant-gardiste.Le moteur rotatif est puissant, plutôt coupleux et fiable.Pourtant l'objectif souhaité étant une voiture légère et économe en énergie, le rotatif est gourmand et la crise pétrolière de 1974 avait rapidement mis fin à cette approche et fait orienter les études vers la Renault Alpine A310 V6 à l'implantation technique similaire même si un prototype sur base Fiat X1/9 (prochainement dans mon blog) à moteur V6 Ford sera utilisé pour faire avancer le projet. C'est donc le V6 français jugé plus économe qui est retenu. Fabriqué par Renault il est catalysé afin de pouvoir être exporté vers les USA seul marché visé alors. De fait avec 130 chevaux, on est loin des 160cv d'origine et surtout des 200cv souhaités pour le modèle envisagé initialement. Néanmoins sur le papier le couple est de 22mkg pour un poids de 1288 kg, la vitesse de pointe est de 193 km/h et le 0-100 km/h abattu en 9.5 secondes. Disponible en BV5, la boîte automatique 3 rapports sera proposée en option.
Ce V6 est au final retenu face au V6 Ford (monté sur la Mustang) également disponible mais finalement écarté car jugé trop lourd et plus gourmand. Toutefois le premier prototype DMC-12 était motorisé par le 4 cylindres 2.0 litres de la Citroen CX avec une BV4. Lors des premiers tests roulants, si la voiture se veut avant-gardiste, la mise au point devient compliquée et longue obligeant DeLorean à se tourner vers la maison Lotus pour revoir tous les points en gardant l'essentiel à savoir : la ligne générale, les portes et la fameuse carrosserie en acier inoxydable. Moralité la version définitive présentée quelques années plus tard est pratiquement une phase 2 avec un nouvel alignement des vitres latérales des portes et de l'arrière désormais toutes au même niveau (photos).
Je passerai volontairement sur les montages financiers réalisés par DeLorean à travers de multiples sociétés écrans afin de voir son projet aboutir mais aussi à se servir largement au passage à des fins à priori personnelles. Toujours est il qu'un pays de production est sélectionné après plus d'un an d'hésitations et de négociations . Ce sera (sous couverture financière de la Grande Bretagne), l'Irlande du Nord engluée dans une guerre avec la République d'Irlande et confrontée à un chômage général record. Pourtant la DMC 12 aurait du être produite à Porto Rico même si d'autres pays comme la France,l'Espagne ou le Portugal avaient été également approchés. Les volumes de production envisagés intéressaient donc nombres de pays qui espéraient des retombées économiques importantes. En effet les chiffres de production annoncés font rêver : 11 000 en 1981 / 20 000 pour 1982 afin d' atteindre le plein régime de 30 000 véhicules en 1983.
Nous sommes en 1979 et l'usine Irlandaise est montée à la hâte en 16 mois car les années passent et la voiture souhaitée intemporelle viellit avant même d'être produite ! Difficultés de mise au point des portes, du chassis en fibre de verre, de la carrosserie en acier inoxydable très cher (garantie 25 ans contre la rouille) mais qui s'avère vite très salissante et quasi impossible à peindre, impossibilité d'implanter les idées d'origine comme les airbgs... Il y a donc urgence à produire cette DMC-12, dont le 12 signifie son prix de vente envisagé de 12 000 dollars. Pour ce prix outre ces particularité bien connues montées sur son chassis poutre comme ces portes ou sa carrosserie, la voiture se voulait suréquipée par rapport à la concurrence avec climatisation, radio ou l'intérieur cuir. Seul l'assise des sièges est en fait en cuir, le reste des sièges et de l'habicacle étant du synthétique. A proximité de cette usine située à Dunmurry près de Belfast un petit circuit d'essai avait été créé. Ce circuit est toujours visible sur Google Earth aujourd'hui. Il possédait un virage relevé. Si cette usine s'étant sur 61 000 m2, ce n'est qu'une plate forme d'assemblage puisque tous les composants proviennent de l'étranger même si dans un deuxième temps De Lorean avait pour objectif de monter une nouvelle usine produisant localement certains éléments.
La production débute et les premières voitures sont expédiées aux USA par avion (les 24 premières) et bateau (pour des questions de coûts). Le marché attend impatiemment cette nouvelle sportive d'un genre nouveau tant est si bien qu'un réseau de concessionnaires est non seulement déjà constitué mais a même financé le lancement de l'auto. Ils ont d'ailleurs du investir personnellement dans l'achat de centaines de DMC-12 avant même en avoir vu une même si tout le début de la production a été vendu grâce au buz réalisé. Mais très rapidement c'est la douche froide. La voiture n'est pas sportive et surtout elle est mal finie et pas fiable. Les raisons sont multiples : projet bâclé sur la fin afin de lancer la production, tests de fiabilité insuffisants (surtout pour la partie électrique venue des Etats-Unis), main d'oeuvre peu qualifiée et à peine formée. Toutes les voitures sont reprises une à une à leur charge par les concessionnaires pour les remettre à niveau. D'ailleurs sur sa courte carrière, la voiture connaîtra 4 remises à niveau et 600 rappels ! Les derniers exemplaires produits seront logiquement les plus fiables. Toutefois les principaux problèmes se concentreront essentiellement sur les points suivants : panne du compteur (à tel point que beaucoup de voitures ont roulées en concervant le même kilométrage), alternateur sous dimensionné, circuit électrique mal pensé souvent à reprendre entièrement, blocage du câble d'accélérateur ou encore déformation des boucliers en plastic qui prennent une forme de ...banane. A la fin de la production le prix de vente était bien loin du prix d'origine puisqu'on était à 25 000 dollars. Quelques modification esthétiques ont néanmoins eu le temps de se faire : la forme du capot, l'antenne radio, les jantes alu et les lanières de fermeture intérieures des portes bricolées dans un premier temps sur les poignées des portes elles mêmes avant d'être intégrées à la portière. A croire que c'est De Lorean lui même qui avait testé et mis au point la porte ! Il est vrai qu'en mesurant 1.93m il avait le bras long...
Fin 81 le chiffre de 7000 véhicules produit est publié dont 5000 vendus (on parle finalement de 3000) loin des 11 000 envisagés. On ne parle déjà plus de perspectives à 30 000.... Au total ce sont 8583 exemplaires qui sortiront de l'usine fin 1982. 80% des ventes se feront vers les USA, le reste étant commercialisé au Canada et en Europe. On estime à 6500 le nombre de DMC-12 encore dans le monde.
Mais la DMC-12 existe en conduite à droite ! 21 exemplaires seront en effet transformés par une société anglaise dont 3 équipées de la boîte automatique. Face au surcôut financier important pour son industrialisation, la version ne sera pas officiellement retenue par DMC.
Pour ceux qui se souviennent de la version couleur or, celle ci était recouverte avec de l'or 24 carats. Proposées à 85 000 dollars en coopération avec la société American Express, les transformations ont été effectuées en Allemagne. Trois seulement seront proposées à la vente sur les 100 envisagées et 2 seulement ont été réellement vendues (une en BV5 et l'autre en BVA). Une quatrième DMC-12 sera recouverte d'or plus tard par un client à titre privé.
Placé en redressement judiciaire début 1982, la marque ne passera pas l'année, son patron emblématique étant même arrêté pour trafic de drogue (et blanchit ensuite). Les dernières voitures seront montées après la mise en liquidation et vendues alors avec une garantie caduque de 5 ans/ 80 000 miles. Produites en 1982 elle auront néanmoins le millésime 1983. La colère des employés de l'usine pousseront certains à vendre par exemple à un pêcheur local les moules des pièces de carrosserie si spécifiques qui s'en servira comme lest au fond de l'eau ! Le stock de pièce sera racheté en 1983/1984 par une société américaine qui le rapatrie dans l'Ohio avant qu'une nouvelle société ne se créée en 1995 dans le Texas. Cette société commercialise depuis les pièces, reconditionne d'anciennes DMC-12 avant d'en re-commercialiser depuis 2008 à l'état neuf au tarif de 46 000€ environ.
D'autres projets de DeLorean n'ont jamais aboutis : une version 4 places à 2 portes en 1975 suivi d'une version re-dessinée par Giugiaro avec 4 portes mais sans suite ainsi qu'un bus pour les Etats-Unis resté lui aussi sans lendemain certainement par manque de moyens financiers et par son litige avec les USA. Une version biturbo a même été étudiée avec McLaren. Elle devait développer 200cv grace à l'apport de 2 turbos IHI. Trop gourmand et difficile à implanter il ne sera finalement pas retenu. Seul une adaptation d'un V6 2.6 biturbo Buick est connu à ce jour et développait 570cv.
Pour ce qui est de la saga des films Retour vers le Futur. C'est bien la carrosserie de l'auto qui a interpellée les producteurs. Son côté avantgardiste collait bien à l'esprit des films envisagés. Six véhicules de 1981 seront ainsi modifiés pour les trois films. A cela s'ajoute des maquettes pour les effets spéciaux, une version volante en fibre de verre et une DMC-12 coupée en deux pour prises des plans intérieurs. Aujourd'hui il ne resterait plus que 3 exemplaires. Si dans le premier film le bruit du V6 est remplacé par un V8 américain, les producteurs changent pour les deux suivants carrement le moteur pour adapter un flat 6 Porsche plus puissant. Même le compteur de vitesse a été modifié pour les besoins de l'histoire. En effet le déplacement dans le temps nécessitait 88 mph or le premier compteur d'origine n'était gravé que jusqu'à 85 mph ! Un compteur de 95 mph a donc été fabriqué spécialement même si par la suite la version de série allait avoir un compteur de 140 mph.
La DMC de demain ? Tel le serpent de mer une E-DeLorean reprend les traits de son ancêtre mais en tout électrique (puissance 260cv/215kw). Malgré son autonomie annoncée de seulement 160 kilomètres, elle serait capable d'atteindre au moins 200 km/h avec un 0-100 km/h en 4.9 secondes. Annoncée pour 68 000€ elle sera dotée de batteries lithium/ions garanties 7 ans / 100 000 miles. Sa sortie maintes fois reportée est désormais annoncée pour octobre 2015. Avec cette carte de visite, elle aura certainement du mal à concurrencer une marque comme Tesla déjà bien implantée sur ce marché.
Valeur de transaction : env 25 000€
Le V6 PRV :
Le premier bloc compteur 85 mph maxi qui fait penser au sport...:
Le deuxième surement plus réaliste mais avec 130cv il reste optimiste :
L'évolution de la position des sangles permettant de fermer les portes :
1 er cas : le bricolage à "l'arrache" :
2ème cas : l'intégration plus conventionnelle :
Le premier concept roulant avec ces glaces latérales décalées entre celles des portes et la partie arrière :
La Fiat X1/9 prise pour laboratoire roulant lors des premières études :
Un bout du circuit de nos jours :
La vue actuelle sur Google Earth. On devine encore le circuit dans la végétation ! :
Le châssis poutre original :
Le projet 4 places 4 portes :
La version plaqué or 24 carats :
Une des rares conduite à droite :
La version du film :
La E-DeLorean électrique :
photos internet