MATRA SIMCA BAGHEERA / 1974-1980

15 janvier 2015

MATRA SIMCA BAGHEERA / 1974-1980

Dans la jungle automobile des années 70, Matra Automobile tente de se faire un nom à travers la compétition mais aussi par le biais de voitures de route que la marque souhaite plus à part que décalées. En 1974 sa nouvelle voiture est une panthère noire issue directement du fameux "livre de la jungle" et qui se nomme donc comme dans l'histoire : Bagheera. Devenue beaucoup plus rare aujourd'hui, la croiser c'est la remarquer même pour les jeunes générations. Si l'on trouve logiquement de très bon sites consacrés à la voiture, certains détails sont plus rares. A découvrir ou redécouvrir..

Matra (mécanique aviation traction) spécialiste dans l'armenent depuis 1945 souhaite dans les années 60 se construire une image politiquement plus correcte. La direction d'alors très sensible à l'automobile absorbe le constructeur René Bonnet (ex DB) en 1964. En reprenant cette entreprise, elle récupère la fameuse DJET alors en production. Toutefois dès 1967, Matra sort sa première voiture la 530. Coupé targa au look sportif et aux phares escamotables, c'est un 2+2 motorisé par un original moteur V4 d'origine Ford. Rapidement la marque peine à vendre sa "voiture des copains" et sera vite très loin de ces objectifs prévisionnels.Parallèlement elle s'engage dans la compétition pour se faire connaître, pour gagner et donc pour se forger une image.

Fort de son échec commercial, la marque en recherche les causes pour les rectifier sur sa remplaçante. Dès 1969 avec l'accord signé avec Chrysler (qui deviendra plus tard Simca) l'approche est alors totalement différente et atypique.Partant de la voiture existante, un moteur Chrysler est installé en lieu et place du V4 Ford pour devenir le proto M540. Le résultat final n'étant pas satisfaisant, une nouvelle étude complète est lancée. L'accent est mis sur la motorisation et son positionnement ainsi que de l'espace habitable. Du fait du rapprochement avec le groupe Chrysler, l'idée est de concevoir une voiture sportive, financièrement accessible afin de coller globalement à l'image de compétition dans laquelle la jeune marque s'est engagée. C'est donc un coupé équipé d'un moteur Simca qui est retenu. Par contre le cahier des charges exclu toute version 2+2 jugée au quotidien inutilisable depuis l'analyse de l'echec de la 530 et exclu une stricte 2 places compte tenu que d'autres constructeurs s'y sont cassés les dents : Porsche et sa 914 ou encore Opel et sa GT.

Comme souvent c'est un concours de circonstances qui donne une idée. En effet lors d'un déménagement en voiture, le break Ford utilisé par le concepteur principal de la marque était entièrement plein sur sa partie arrière. Seule solution pour les 3 occupants d'alors : se serrer sur la banquette avant. Fort de ce voyage jugé supportable, la future voiture a été imaginée sur la même disposition en augmentant légèrement la largeur afin de concevoir 3 sièges indépendants même si la place du milieu est un peu plus étroite. La largeur du véhicule sera de 1.73m et l'idée de cette conception séduit de part son originalité. Afin de concrétiser la forme générale, la taille de l'habitacle ainsi que la disposition mécanique de tous les organes, une étude dite "fil de fer" à l'échelle 1 est créée. Ce prototype particulier (voir photos) a pour but de représenter la forme extérieure générale tout en mettant réellement en situation l'espace habitacle et moteur. Rares sont les voitures (surtout pour un coupé sport) où le style est étudié à la fin après le reste ! C'est pourtant le cas et c'est donc seulement là, une fois les côtes intérieures arrêtées que 2 maquette en argile synthétique et en plâtre sont réalisées. La version définitive est trouvée et du fait de la grande maîtrise de la technique des composites par Matra, la carrosserie sera là aussi révolutionnaire. Après les croquis, l'étude aérodynamique semble aujourd'hui vraiment d'un autre temps. Point d'ordinateurs, il fallait ruser. Comme pour les missiles, Matra a utilisé dans un premier temps une maquette à l'échelle 1/8e dans un milieu aquatique. Cette méthode ayant ces limites c'est sur des portions de routes bien déterminées que les autres études sont menées avec des prototypes roulants à l'échelle 1 cette fois. Vient ensuite la période des tests et des essais en milieux hostiles avant de lancer la production. La phase de l'industrialisation est conçue pour exploiter au mieux la banque d'organes mécaniques Simca déjà existante et optimisée dans l'assemblage pour ne pas avoir une dérive des coûts. Le produit final sera badgé Matra Simca.

La Bagheera est produite à partir de mars 1973. Seuls 3 exemplaires non commercialisés sortiront spécifiquement de l'usine : 1 pour l'homologation et 2 pour les crash-tests. 520 autres exemplaires tous jaunes seront produits au mois de mai pour le lancement officiel. La production débutera réellement sur le millésime 1974 (à cheval à l'époque sur 2 années soit 1973 et 1974) avec 5711 exemplaires produits. La Bagheera est motorisée alors par un moteur 1.3 litres Simca dérivé du 1118cm3 sorti dans la deuxième moitié des années 60 et qui évoluera jusqu'à des années bien plus proches de nous chez PSA sous la cylindrée 1108 cm3 ! Associé à une boîte mécanique 4 rapports, ce moteur fiable et souple développe la puissance de 84cv autorisant une vitesse maxi de 185km/h. Extérieurement la voiture vous le savez bien se caractérise par ces phares escamotables et sa lunette arrière sans armature et à ouverture pneumatique. Intérieurement outre les 3 places et la position plutôt originale du poste de conduite, c'est la commande d'ouverture des vitres des portes (photo) que certains d'entre vous auront peut être oublié. La montre située face au voyageur de droite et la radio à l'horizontal ne dénote pas dans cette ambiance seventies avec un graphisme du bloc compteur atypique. Les compteurs retrouveront par la suite un design plus conventionnel.

Son lancement commercial a été pensé et voulu spectaculaire. Certains s'en souviennent sûrement. Après une présentation presse en avril 1973, c'est aux 24h du Mans en juin que la voiture est présentée par la marque au grand public.520 Bagheera toutes jaunes sont exposées au Mans et repartiront à l'issu dans le réseau par la route au mains des différents concessionnaires Chrysler. Une cinquantaine de voitures effectueront même la levée de rideau avant le lancement de la course. La publicité fait mouche et terminera même en apothéose avec la victoire de la marque avec la MS 670B de H Pescarolo et G.Larrousse !

En parallèle à ce lancement, conscient de posséder un modèle peu énergivore face à la concurrence, Matra oriente sa communication dans ce sens faisant même réaliser des tests sur certains modèles sur des circuits routiers imposés par des pilotes professionnels. Les résultats sont sans appels. La Bagheera est plus sobre que la concurrence.

Dès 1976 une version 1.4 litres et 90cv est proposée permettant un choix plus large juste avant l'arrivée de la phase 2 en 1977. Les pare-chocs sont alors plus gros, capot et custodes sont retravaillées et les feux arrières modifiés. L'intérieur est également rectifié avec de nouveaux garnissages funs et variés en fonction de la version : base, S, X ou Courrège. La gamme s'élargie mais c'est bien les versions les plus équipées qui séduisent plus que la version de base. Dès 1975 une version haut de gamme "Courrèges" est lancée. Elle est garnie avec du simili blanc du plus bel effet et la planche de bord et les portes en beige clair afin d'éviter les reflets. Cette série prévue initialement à 500 exemplaires restera en fait au catalogue jusqu'en 1977. Au total ce sont 661 exemplaires Courrèges qui seront produits ( 216 Phase 1 et 445 Phase 2)

La Bagheera connaîtra finalement une seule série spéciale en 1978 : la Jubilé produite à 1279 exemplaires lancée en parallèle de la même série pour la berline Horizon qui fête ainsi son titre de voiture de l'année (d'où le nom).

La production de la Bagheera sera stoppée en avril 1980 avec 47 796 exemplaires. Inévitablement une version pour l'Amérique du Nord avait été mise au point avec la coopération de Chrysler Europe. Mise aux normes américaines (pare-chocs, rappels de clignotant), la Bagheera ne sera pas exportée aux USA sauf au cas par cas sur commande spéciale. Pour ce qui est de la version à conduite à droite, comme pour la DeLorean DMC12 de mon précédent billet, c'est un indépendant qui s'en charge. Il n'y a pas de chiffres connus du nombre de transformations.

Si la Bagherra avait une carrosserie en matériaux composite, sa structure en acier était son talon d'achille avec une corrosion perforante très importante comme bon nombre de voitures de l'époque (photo). Des études portant sur la galvanisation à chaud sont à l'époque effectuées pour palier à ce mal sans toutefois aboutir à l'époque de la Bagheera. Sa remplaçante (un prochain billet) aura la chance d'en profiter.

Mais il y eu aussi avec cette aventure réellement commercialisée des projets secrets plus ou moins avancés mais jamais aboutis. Le plus connu est forcement le M560 également dévoilé sous le nom de Bagheera U8. Il a pour but de reprendre le programme de la Bagheera (nommée M550 en interne) et de remplacer le moteur 4 cylindres d'origine par deux moteurs 4 cylindres accolés formant ainsi un U. Le but est d'exploiter pour des raisons de coût la mécanique existante en la doublant et créer une véritable GT avec 168cv contre 84cv. La U8 ira jusqu'aux nombreux essais routiers malgré une mise au point délicate du fait de l'implantation inhabituelle des 2 moteurs couplés. Le prototype atteindra même 236 km/h mais aura une consommation courante de 28 litres/100kms. Avec un prix estimé à 65 000F le projet sera abandonné car jugé non viable du fait de la crise pétrolière de 1974. Quatre exemplaires seront mis au point : une maquette, un mulet qui a effectué les premiers roulages et 2 prototypes. L'un d'eux servi pour les différents essais et l'autre est neuf puisque destiné à la présentation officielle qui n'aura jamais lieu. Il est exposé au musée Matra.

Autre projet : dit "le crapaud". Il s'agit d'une Bagheera tronquée sur sa partie arrière et destinée au paysage urbain et dont un prototype roulant a été néanmoins réalisé. Ce "le crapaud" ne passera pas le stade des premiers tests routiers peu concluants contrairement à une autre variante 4 portes abandonnée dès les premières ébauches faute de motorisation assez puissante, le U8 étant abandonné.

Outre les deux versions moteurs proposées des évolutions réalisées par Matra ont été testées comme le moteur 1.3 litres Simca avec une culasse multisoupapes 16v pouvant atteindre en compétition 165cv et un 1.6 litres à compresseur volumétrique développant 123cv. Ces études resteront sans lendemain sur la Bagheera. L'idée de l'implantation d'un moteur 2 litres (moteur déjà existant chez Chrysler) a également été envisagé pour répondre à la concurrence plus musclée. Apparu dès 1977, il donnera naissance à la super Bagheera BV5 qui sera finalement la M 551 alias la Murena sa remplaçante.

A suivre....

Valeurs de transaction : de 2000 à 6000 € environ selon état et restauration. Certaines versions peuvent dépasser les 10 000€ pour un état proche du neuf.