LAND ROVER OPUS 1 : LA PRE-SERIE / 1947
Parler du Defender sans revenir sur ces racines, voilà qui était quelque peu compliqué. Remonter le temps pour comprendre est donc indispensable.
Nous revoilà en 1945. La guerre cesse enfin avec le désastre connu dans toute l'Europe. L'heure est à la reconstruction. Sur le plan de la production automobile c'est également très compliqué. Pour ce qui est de Rover, son usine de Coventry a été détruite par les Allemands lors des très nombreux pilonnages tout comme l'ont été Londres ou Birmingham. En cette sortie de guerre, la marque a racheté le site militaire de Solihull situé dans la banlieue de Birmingham occupé depuis 1936 par l'armée de l'Air Britannique pour produire du matériel militaire et où Rover fournissait des moteurs. Dans son catalogue la marque Rover possède deux modèles commercialisés avant guerre : les P1 et P2 aux formes et au style pouvant rappeler notre Traction Citroen. Dès cette relance des difficultés importantes surgissent. Certes les produits sont anciens et il faut les renouveler mais l'acier disponible fait grandement défaut et le réseau routier est lui assez dévasté et donc pas vraiment adapté aux véhicules de la marque qui se veulent, par tradition, cossus et bien finis. Seul le projet M1 avec son petit moteur de 0.7 litre est dans les cartons. Ce projet sorte de série P coupée ou tronquée devait concurrencer la Fait 500 Topolino sortie avant guerre en Italie. Ce projet ne verra jamais le jour.
Rover travaille donc à un renouvellement de sa gamme avec le projet d'évolution des deux modèles existants pour ce qui deviendra la P3 en 1948. Mais cela ne suffira pas,et de loin, à exploiter l'immense surface disponible sur cet ancien site de l'armée exploité à présent par la marque. C'est par le directeur des études, Maurice Wilks que le salut viendra. En effet celui-ci possède un domaine sur une île du Pays de Galle et a racheté une Jeep Willys auprès de l'armée qui fait face à une problématique de surplus. Cette Jeep lui sert donc, quand il s'y rend, à entretenir et à aller sur ces terres. La voiture qui a largement fait ces preuves pendant le conflit passe partout a tel point qu'elle est même utilisée comme tracteur ! Ce fameux directeur prend vite conscience que les agriculteurs seraient très demandeurs d'un tel produit qui au quotidien est à mi chemin entre un tracteur agricole et une voiture. Seulement voilà l'armée britannique utilise pour ces besoins cette même Jeep et a donc racheté tout le stock de pièces détaché disponible dans le pays.
C'est en 1947 que prend réellement forme le projet. Au delà d'un marché national c'est bien vers l'export que le programme se tournerait avec en retour d'indispensables allocations d'acier permettant de produire non seulement ce produit mais également la P3 encore à l'étude et dans la pure tradition Rover d'alors. Deux Jeep Willys sont achetées spécialement afin de réaliser le prototype. Le but est de conserver le châssis poutre et de greffer dessus des éléments maisons : moteur, boîte de vitesse,... Simple et très rudimentaire le premier prototype est une Jeep recarrossée avec boîte et moteur 4 cylindres Rover. La grande particularité de ce modèle est qu'elle possède (pour le moment) une unique place centrale qui permet de l'exporter dans tous les pays sans se préoccuper du sens de conduite. Pas de portes, une simple bâche en guise de toit, la roue de secours est disposée derrière le siège conducteur. Même la poignée située sur la partie latérale n'est pas sans rappeler la Willys. Cette option de siège central ne sera finalement pas retenue afin de favoriser l'habitabilité, et pour simplifier la commande de direction dont le rappel sous le volant s'effectue par chaîne ! Mais le reste est conservé et une présérie de 50 exemplaires est commandée. L'empattement est alors du 80 pouces et les ailes avants si caractéristiques sont moins arrondies que celles du proto afin de faciliter leur production (photo). Sur cette base de 80, ce sont des pick-ups qui sont produits dont le poste de conduite peut être protégé par une bâche ou une tôle. Le concepteur du projet souhaite alors rajouter des portes ainsi que des pare-chocs soudés puis boulonnés sur les 30 derniers exemplaires restant à produire par soucis d'efficacité à assembler mais aussi à réparer. Le moteur 1.4 litres présenté sur le prototype est remplacé par le nouveau 1.6 litres prévu pour la P3 dont l'arrivée sur le marché est imminente. Ce moteur testé, est plus à même de permettre au Land de crapahuter avec sa transmission intégrale permanente seule disponible sur les premiers exemplaires. L'assemblage de cette mini série prend néanmoins du retard ce qui semble logique pour une marque orientée jusque là sur les véhicules destinés à rouler dans un confort et une qualité très british. Tous les véhicules sont alors peints en vert. Cette teinte n'est pourtant pas là pour rendre l'illusion du tout terrain crédible. En fait il s'agit du fameux "Cockpit Green" utilisé par la prestigieuse armée de l'air Britannique (RAF) dont les stocks de peinture étaient disponibles et inutilisés sur le site de Solihull racheté par Rover.
Prévu initialement pour le salon de Genève, la présentation du Land sera reportée de quelques semaines à celui plus discret d'Amsterdam fin Avril faute de temps. C'est d'ailleurs uniquement 48 exemplaires qui constitueront cette présérie sur les 50 prévus. Deux exemplaires seront présentés lors du Salon. L'un sur le stand de la marque et l'autre à l'extérieur pour des démonstrations de franchissement impressionnantes. Des pentes à 45% et des dévers à 30%, les caractéristiques sont bien en phases avec les capacités réelles du Land. D'autres présentations nationales et internationales suivront rapidement puisque Rover vise d'entrée une exportation vers 68 pays différents. Cette Jeep revue et corrigée est promise dès sa présentation à un succès mondial. Il faut dire que l'empire colonial britannique et sa réputation est alors très étendu et des pays tel l'Océanie, le Kenya, l'Afrique centrale ou encore l'Espagne sont très demandeurs. Prévue pour les agriculteurs et les fermiers, le Land séduit très rapidement les entreprises avec des corps de métiers très divers demandeurs de ce genre de véhicule. La production officielle peut être lancée pour une diffusion planétaire dès que le terrain devient hostile.
A suivre : La série I / 1948-1958
L'un des deux prototype de l'après guerre :
Une réplique :
L'une des versions de pré-série. Chassis 80, pick-up avec bache, à conduite à droire. Notez les ailes avant volontairement moins arrondies que le proto :
L'assemblage de la présérie :
La mise en avant des capacités du Land :
L'inspiratice, la fameuse Willys :
Le père du Land en arrière plan Maurice Wilks décédé en 1963 à l'âge de 59 ans. Au volant l'une des figures emblématique de Land Rover avec 50 années de bons et loyaux services entre 1963 et 2014 : Roger Crathorne alias Mister Land Rover
La conduite centrale de la toute première version :
Et sa direction décallée à chaîne :
La Rover P3 sortie en 1948 représentant l'image de la production habituelle de Rover. On est bien loin du concept 4x4 alors à l'étude :
Le projet M1, le seul dans les cartons de la marque en 1945 :
photos internet