MATRA-SIMCA RANCHO / 1977-1983
Précurseur ou pionnier du crossover, du suv ou du ludospace ? Avec quelques décennies de recul la question se pose bien. Pourtant chez Matra, la Rancho a été réfléchie sans arrières pensées ni calculs marketing mais au feeling comme on dit. Histoire d'amour avec Simca suivi d'un divorce avec Peugeot. Pourtant, pas rancunière, 25 ans après la marque au lion reprendra 2 idées pour son propre suv le 3008 ! Vous allez surement le découvrir ici.
Spécialisé dans le sport automobile en obtenant des résultats plus assez probants (24 h du Mans), la marque Matra à l'origine du projet est consciente que développer et produire uniquement une gamme sportive à destination d'une certaine clientèle "élitiste" n'est pas viable à moyen et long terme par faute d'une image de marque trop jeune contrairement à Ferrari par exemple.
Nous sommes en 1975 lorsque l'idée de créer un nouveau modèle différent des petits coupés sportifs développés jusque là est née. Affiliée à Simca, l'idée est de prendre une base existante afin de minimiser au maximum les coûts de développement mais aussi de production. Or c'est en 1967 qu'est sortie la fameuse simca 1100 qui connaît depuis le début des années 70 un succès commercial bien réel sur son segment donnant même du fil à retordre à la Peugeot 204 l'une des valeurs sûre du marché. De cette voiture a été décliné une version utilitaire tôlée puis en version fourgonnette dite VF1 (sorte d'Estafette). Viendra ensuite la version surélevée VF2 qui est également déclinée en pick up et pouvant être munie alors d'une bâche. C'est cette base qui servie de réflexion et de développement dans cette atmosphère où la société d'après 1968 a évoluée et modifiée sensiblement ces goûts.
Il fallait donc garder le châssis, la coque, le moteur, la boîte, l'embrayage, la suspension, les freins, conserver quelques éléments de carrosserie mais retirer la bâche, les roues, la calandre, l'intérieur pour mettre des éléments nouveaux. Roues avec pneus tous chemins, calandre, feux, sièges confortables, élargisseurs d'ailes, rallongement du porte à faux arrière, banquette arrière pouvant se tranformer en couchette et bien sur la cellule arrière en polyester avec des feux longue portée. Mi suv, mi baroudeur occasionnellement camping car, le 12 ème prototype de Matra ne porte pas encore le nom de Rancho dont la partie "Ran" provient de l'évocation du Range Rover fraîchement commercialisée outre manche et qui suscite déjà l'intérêt des clients fortunés. D'ailleurs la ligne générale arrière de la Rancho est reprise du Range sorti en 1970 avec notamment les larges surfaces vitrées latérales et le fameux volet arrière dont l'ouverture s'effectue en 2 partie : la partie tôlée inférieure et la partie vitrée située au dessus.
Ce prototype nommé alors P12 voit fort logiquement le moteur d'origine de la 1100 remplacé par celui, plus puissant, de la 1308 version GT afin de faire fasse à la surcharge globale et à la destination d'utilisation de la voiture. Comme le 1.4 litre de la berline Simca possède les mêmes dimensions que celui qu'il remplace, il est adapté sans difficultés. Il faut savoir que ce 1.4 litre est une évolution du 1.3 litres ( lui même dérivé d'un 1.2 litres à l'origine) qui était alors utilisé par Simca. Or c'est Matra qui a assuré le développement du 1.4 litres. Il a donc profité logiquement de ces études pour l'adapter sur sa voiture en production (Bagheera) et celle à l'étude (Rancho). Fait très rare à l'époque dans la conception, un simulateur de caisse a été utilisé. Bien loin de ce que l'informatique permet d'effectuer aujourd'hui, ce banc mis à disposition par et chez le carrossier Chausson a permis de simuler environ 300 000 kilomètres avec tous les cas de figures susceptibles d'être rencontrés par la future voiture. Cette simulation n'a, bien sûr, pas remplacé les tests roulants avec les premiers prototypes. Il sont alors testés partout dans le monde et mettent alors la voiture à l'épreuve de la vraie vie. En parallèle, l'usine modifie sa chaîne d'assemblage qui sort alors sa Bagheera (déjà traitée dans mon blog). Sortir 2 véhicules aussi éloignés techniquement sur la même chaine est à l'époque une prouesse technique. La production s'organisait alors ainsi : les "châssis-cabine" des VF2 modifiés étaient livrés par portes-voitures en provenance de l'usine Simca de Poissy pour être intégrés à celle de Matra à Romorantin. Tous les éléments propres à la Rancho produits sur place chez Matra sont ensuite assemblés sur la caisse. Parmis ces éléments, la partie la plus visible, une spécialité de la marque : l'extansion arrière en polyester qui donnent l'allure générale à la Rancho.
C'est au salon de Genève de 1977 que la voiture est officiellement présentée sur le stand...Chrysler-Simca ! Le produit badgé alors Matra Simca sur le capot interpelle par sa nouveauté en temps que véhicule de loisir, tout en rassurant puisqu'il ne cache pas vraiment ces origines bien connues de sa base de Simca, y compris avec un tableau de bord assez similaire à la 1100. D'ailleurs la presse de l'époque voit d'un oeil rassuré la filiation entre les deux marques sur le même produit. Les essais sont à la hauteur puisque les performances sont en phase avec les chiffres officiels. Bien sûr tous sont unanimes, sans transmission intégrale, la voiture ne peut envisager le pur tout terrain mais seulement le tout chemin. D'ailleurs la position de la roue de secours située sous le châssis trahie ces origine puisque impossible à extraire en situation délicate. Conscient des limites de franchissement de son produit et de l'imposssibilité de développer une véritable transmission intégrale faute de budget, Matra étudie rapidement un différentiel à glissement limité, système mécanique destiné à améliorer la motricité. Il n'arrivera sur l'un des modèles qu'en 1980 avant d'être proposé en option sur l'ensemble de la gamme. Mais ce que tout le monde ignore c'est que l'idée du Peugeot 3008 hybride 4x4 d'aujourd'hui remonte à la Rancho ! Oui vous avez bien lu :le 3008 HYbrid 4 est le successeur et la concrétisation de la Rancho 4x4 telle qu'elle a été imaginée et même testée sur un prototype à l'époque. Je m'explique. La position du moteur et la transmission de la Simca Rancho rendent financièrement non envisageable un système de transmission intégrale mécanique permanent ou non avec un pont lourd et coûteux à concevoir. L'un des ingénieurs a l'idée alors d'adapter un pont spécifique sur le train arrière comprenant une boîte de vitesse de Rancho avec 1 seul rapport.2 batteries ou encore 1 alternateur pour le faire fonctionner en mode électrique. Thermique à l'avant, électrique à l'arrière on est bien sur l'idée du système HYbrid 4 de PSA ! Le but de ce système jugé trop complexe et trop coûteux à développer et essayé sur la Rancho étant de sortir des ornières. Utilisable uniquement sur le premier rapport de la voiture, il ne sera pas envisagé pour la série mais l'idée était née.
Le style de l'auto plait avec une habitabilité record et très bien exploitée. Ces larges portes avant facilitent l'accès à bord. L'arrière est fermé par 2 ouvrants : une lunette en partie haute et une ridelle pouvant supporter un certain poids en partie basse. Tiens tiens 3008, où es tu ??
Pourtant le reproche est fait sur l'accès à bord pour les places arrières. La même erreur sera réalisée sur un produit assez similaire dans le courant des années 2000 : le Kangoo Be Bop (bientôt dansmon blog). La voiture ne possède, en effet, que 2 portes rendant l'accès à la banquette de deuxième rang sportif voir délicat c'est selon. Oui de deuxième rang puisque la Rancho SUV familial dans l'âme proposait la possibilité d'avoir soit une couchette occasionnelle à l 'arrière, soit une banquette pour enfants supplémentaire située en rang 3 c'est à dire dans le coffre mais dos à la route comme cela se faisait à l'époque (sur la CX par exemple).
Commercialisée comme modèle unique avec une liste d'options, la gamme Rancho s'ettoffera un peu au fil des années notamment avec des série spéciales plus faciles à produire. Les couleurs extérieures et intérieures sont fraîches et très séventies contrastant avec la production automobile des années 70 et bien en phase avec l'esprit de vent de liberté recherché.
En fait c'est en 1979 qu se produit le virage de la Rancho puisque Simca, elle devient Talbot.PSA souffle un nouvel esprit et propose à présent une gamme de 4 modèles distinct. La base d'origine reste au catalogue mais se voit complétée par une version plus luxueuse (la "X"), une version dite "AS" (pour Affaires et Sosiétés) c'est à dire utilitaire 2 places et enfin de la version Grand Raid volontairement plus baroudeuse. En effet cette dernière met en série ce que l'acheteur utilisateur en tout chemin n'osait peut être pas prendre en option sur le modèle de base. Avec la roue de secours perchée sur le toit, des longues portées sur le capot, un treuil et de grosses longues portées à l'avant dans le bouclier, la Rancho GR a de l'allure. Le système mécanique à glissement limité est même badgé "Antibog" à gauche de la plaque d'immatriculation arrière de la voiture.
Enfin, une autre Rancho sort du lot de la production : la Grand Air. Il s'agit logiquement de la version découvrable. Matra avait alors habilement remplacé la coque polyester de la partie arrière par une bâche avec une armature légère de type barnum tout en conservant la cabine avant tôlée. Cette solution permettait d'avoir un coup de développement réduit sans devoir toucher à la structure d'origine de la Simca y compris à la rigidité de sa caisse. Très sympatique en version découverte, la Rancho G.A est particulièrement moche la capote installée. Moche et sombre d'ailleurs, a tel point que Matra installa sur cette version une petite vitre de la largeur de la voiture au niveau du décrochement entre la cabine avant et la cellule arrière (photo)
Les années suivante, la Rancho n'évoluera quasiment pas ni techniquement ni dans la gamme proposée. Les nouvelles teintes et nouveaux tissus constitueront les principales modifications. La climatisation fera son apparition sur la gamme de 1982. Nommée réfrigération, elle ne s'apparente pas à un système intégré comme nous le connaissons sur nos voitures, mais à un système disposé sur le toit de la cabine avant comme cela existait et existe toujours dans le monde du camping car par exemple.
Apparue sur un segment vierge, avec une image de marque presque nulle hors de nos frontières, mariée de gré ou de force à de grands constructeurs, la Rancho de Matra n'atteindra pas le stade d'îcone même si les séries spéciales plus ou moins répandues, les utilisations lors des différents raids de l'époque ou sa présence dans des films (dont le principal est celui de "La Boum") forgeront sont image assez positive.
Sur les 25 000 Rancho espérées au début de l'aventure, Matra produira au final 56 457 exemplaires entre juin 1977 et décembre 1983. de 4194 exemplaires la première année, faute de moyens de production suffisants, elle atteindra 2 pics dont 13707 exemplaires en 1979 avant de décliner et d'être stoppée à 5009 Rancho pour 1983. Quelques clients retardataires appelèrent, lors de la fin officielle et programmée, directement l'usine Matra afin d'obtenir un dernier exemplaire.
Que reste t-il de la Rancho aujourd'hui ? Un modèle convivial, qui sent bon l'évasion, décalé et accessible sur fond de 2 chocs pétroliers qui avait alors traumatisé les constructeurs. L'histoire sait que Peugeot subissait plus la Rancho qu'elle ne la voulait puisqu'elle constituait la dot avec la Bagheera devenue Murena en l'imposant à son réseau quelque peu récalcitrant et non formé. Il faut dire qu'avant la 205 Peugeot luttait plus pour sa survie alors que la disparition de Talbot était déjà annoncée et même actée. L'histoire sait aussi que Matra, également en grave difficulté financière de son côté, travaillait sur la succession de la Rancho avec un produit encore plus spacieux véritable Van des famille qui deviendra monospace, refusé par Peugeot faute de marché et surtout de moyens puis présenté à Renault pour l'adoptet et devenir l'Espace.
Peugeot en investissant le segment des suv dans les années 2000 repris donc quelques idées de la Rancho : le volet arrière et l'essieu arrière électrique. Pour ceux qui doutent encore de mes propos souvenez vous de la présentation initiale du 3008 : il devait être, normalement, décliné en version longue 7 places afin de répondre au Nissan Qashquaï +2 !
Valeur de transaction : de 4000 à 6000€ pour une version standard voire X. Les version G.R ou G.A sont beaucoup plus rares et donc chères.
La version luxe : "X" au nom très recherché...
La Grand Raid :
La Grand Air :
La G.A à gauche et sa petite vitre entre les 2 cellules :
La version utilitaire 2 places avec arrêt de charge et tva réduite... :
La planche de bord typiquement Simca :
La version couchette :
Laversion avec les 2 places complémentaires situées dans le coffre :
Le montage de la cellule chez Matra :
La Rancho dans le film "La Boum" :
La Simca 1100 VF2 Pick up baché qui a été prise pour base :
photos internet