JAGUAR XJS / 1975-1996
Succéder à un mythe comme la Type E est très compliqué. D'ailleurs la production automobile peine toujours à remplacer l'irremplaçable ! Prenez notre 2cv par exemple. La Diane était prévue pour la remplacer, en vain. Seules les normes de sécurités et de pollutions auront raison de sa longévité. Et une fois disparue.... on nous annonce régulièrement sa remplaçante comme ce fut encore le cas avec la C3 en 2002. Comme si la E Mehari actuelle (produit 100 % électrique Bolloré) remplaçait vraiment la Méhari de notre enfance.Regardez aussi la Porsche 911 que la 928 devait faire disparaître....Encore raté.
Lourde tache donc pour Jaguar au début des années 70 pour renouveler cette fameuse Type E sortie 10 ans plus tôt puisque commercialisée en 1961. La marque anglaise est à cette époque propriété de l'Etat Britannique car nationalisée depuis 1966 et intégrée au groupe British Leyland. Les budgets sont serrés mais la marque est dans une bonne dynamique de création puisqu'elle a mis sur le marché sa berline XJ (pour eXperimental Jaguar) dans un style très différent en remplacement de sa série MK (MK1 puis MK2). En cette fin des années 60, un coupé XJ est même conçu puis validé avant d'arriver sur le marché en 1973. En parallèle la marque travaille ardemment au remplacement de sa Type E dont la version V12 est alors le graal du coupé sportif britannique. La ligne générale de la XJS présentée conserve l'idée du long capot avant puisque c'est le designer de la Type E qui commence le dessin de la XJS avant de décéder brutalement. Son remplaçant bien connu dans le milieu est désigné pour finir le travail mais les lignes sont plus torturées et surtout le produit s'est largement embourgeoisé avec des dimensions conséquentes alors que ce n'est qu'une 2+2. D'ailleurs à son lancement en septembre 1975, ce nouveau coupé n'est proposé qu'avec le V12 de 5.3 litres pour la "modique" somme de 115 500 Francs de l'époque contre 60 990F pour les dernières Type E. Autant dire que la clientèle historique lui tourne quelque peu le dos.Il faut dire que la XJS a été étudiée pour le marché américain très porteur sur le créneaux des coupés de grand luxe. L'habitacle du modèle proposé en Europe reprend à son compte les contraintes liées au marché US en remplaçant les boiseries au chic très British mais interdit aux USA par des plastiques à l'apparence bas de gamme.Le V12 proposé en boîte mécanique 5 vitesses ou automatique à 3 rapports impressionne certes mais exige un entretien conséquent et possède des consommations en carburant dont il a le secret et après le premier choc pétrolier l'affaire devient rapidement compliquée. En fait c'est le temps qui fera logiquement son oeuvre laissant la Type E aux plus nostalgiques, et permettant à la XJS de tourner enfin la page. Pour l'y aider, Jaguar fait apparaître sa voiture au look moderne pour l'époque dans 2 série télévisées nationales mais au rayonnementt mondial : "Chapeau melon et bottes de cuir" et surtout "le retour du Saint" avec le fameux Simon Templar qui l'aura comme voiture de "fonction". Pour la petite histoire, ce même Simon Templar (alors sous les traits de Roger Moore) aurait du, quelques années plus tôt, rouler en Type E dans le précédent opus mais face au refus de Jaguar, il se vit remettre les clés du coupé Volvo P1800. Mais en cette nouvelle décennie, Jaguar a besoin de communiquer pour augmenter sensiblement ces volumes de ventes.
Face à la crise pétrolière, en 1981, Jaguar re-travaille son V12 afin de l'optimiser et de réduire ces consommations. Les lettres H.E pour High Efficiency compéteront la désignation commerciale de la XJS avec une puissance du 5.3 litres qui passe désormais à 295cv. C'est en 1983 que la gamme s'étoffe avec une version plus accessible et moins énergivore en offrant un 6 cylindres en ligne de 3.6 litres mais de seulement 221cv. Ce deuxième coupé sera proposé à partir d'octobre de cette même année et ce jusqu'en septembre 1987. Il faudra attendre 1992 pour avoir son remplacement (monté sur la phase 2 arrivée entre temps en mai 1991) mais avec une cylindrée de 4.0 litres qui fera 223cv dans un premier temps puis 244cv.
Toutefois la XJS n'est pas qu'un coupé puisqu'elle sera proposée dès 1983,sur commande seulement, en découvrable de type Targa. Cette architecture assez disgracieuse a été imposée par l'orientation du produit vers le marché américain qui rendait obligatoire la présence d'un arceau de sécurité. Motorisé dans un premier temps par le 6 cylindres en ligne, cette XJ-SC aura droit au V12 5.3 litres mais en version HE à partir de juillet 1985. Cependant, au Royaume Unis, le carrossier Lynx propose de son côté une réelle version cabriolet dénommé Spider poussant alors la marque au félin à retravailler pour rigidifier son chassis afin de proposer officiellement un vrai cabriolet sans arceau. C'est le carrossier allemand Karmann aujourd'hui hélas disparu qui sera chargé de sa production. Disponible dans un premier temps en V12, il sera rejoint en 1992 par le 6 cylindres 4.0 litres.
C'est en 1989 que la cylindrée du V12 est passée de 5.3 à 6.0 litres avec la collaboration de Zytech bien connu dans le monde de l'endurance. Ce V12 atteindra jusqu'à 333cv et le coupé sera alors nommé XJR-S. En parallèle, la marque avait sorti une série Le Mans afin de fêter sa victoire aux 24h. Rarissime, cette série n'aurait connue que 65 exemplaires même si d'autres sources donnent une numérotation portée à 100. La mise en production au catalogue du V12 litres en version 6 litres (différents de celui élaboré avec Zytech) apparaîtra ensuite de 1993 à 1995.
Lorsque Ford prend les commandes de la marque, elle hérite logiquement de ce coupé finalement très discret et surtout vieillissant. Une évolution stylistique est donc réalisée et commercialisée en mai 1991. C'est une version dite Phase 2 encore plus méconnue est reconnaissable essentiellement à ces boucliers teinte carrosserie et avec ces feux arrières fumés et arrondis. Commercialisé avec le 6 cylindres 3.6 de 221cv et 4 litres de 223cv, il aura droit également au V12 catalysé dont la puissance chutera à 273cv mais sera accouplé à une boîte de vitesse automatique désormais à 4 rapports. Ford maintien alors le XJS en survie le temps de lui trouver un remplaçant (qui sera le XK8) donnant à nouveau dans la série spéciale avec une série Le Mans mais cette fois à 280 exemplaires.
J'ai parlé un peu plus haut de Lynx. Il s'agit d'un carrossier spécialiste depuis toujours pour la restauration, la maintenance et la préparation des Jaguar de course. Née en 1968, la marque restaure et prépare d'anciennes Jaguar après avoir restauré une Riley Lynx (d'où son nom), marque longtemps mise en sommeil par ces différents propriétaires dont Morris, disparue lors de la faillite du groupe Rover en 2005. Si le cabriolet XJS ne vous dit peut être rien, ces déclinaisons breaks de chasse (photo) doivent vous parler certainement. Sous le nom de Eventer, ce break très spécial présenté en 1982 était proposé en 3.6 litres mais également avec le V12. Enfin une version dite Performer sur base du coupé d'origine recevait le 6 cylindres en ligne 3.6 puis 4.0 litres revus et corrigés avec l'ajonction d'un turbo (jusqu'à 456cv) et bien évidemment le V12 mais en 6.0 litres en version atmosphérique ou avec compresseur volumétrique, le tout avec un kit carrosserie quelque peu excentrique pour la marque (photo). Aujourd'hui Lynx existe toujours mais se contente de restaurer d'anciennes Jaguars mais aussi de réaliser des répliques essentiellement des fameuses D ou C Types qui remportèrent en leur temps les 24h de Mans et faisant la réputation de la marque. Pour ce qui est des XJS, le carrossier a continué jusqu'en 2002 à transformer à la demande de certains propriétaires leurs XJS d'occasions en breaks de chasse Eventer s'offrant au passage une coûteuse restauration complète de leur voiture. Au total il semble que 67 modifications auraient été faites. En France, les Ateliers Réunis (dept 76) semblent avoir modifiés 5 à 10 XJS pour les transformer également en break de chasse mais en conduite à gauche. D'autres ateliers en Europe ont tenté aussi leurs transformations sans trop de succès, une version Suisse ayant même la tendance à le faire ressembler au premier abord à un...corbillard !
La XJS est également liée au team TWR. Engagé en compétition, l'écurie permis à la marque britannique de remporter le championnat européen des voitures de tourisme en 1984. En parallèle la marque présenta une version de route revue et corrigée par TWR. Beaucoup moins austère, la carrosserie et les suspensions sont retouchées afin d'améliorer sa portance et sa pénétration dans l'air mais aussi afin d'offrir un comportement plus sportif en adéquation avec son V12. D'ailleurs la mécanique est plus améliorée que modifiée. Si le 5.3 litres de 296cv est proposé pour 262 km/h, une version 6.0 litres pour 360cv le sera dès l'année suivante (contre 308cv au 6.0 litres Jaguar d'origine). Tom Walkinshaw aura droit pour sa part à une unique version 6.4 litres. Bien exploitées, ces mécaniques consommaient plus de 25 litres/100kms...
Enfin notez qu'au début des années 80, la marque souhaitant s'orienter encore plus en haut de gamme, a réalisé un prototype badgé Daimler de la XJS V12 (photos). Il est resté uniquement à l'état de projet.
L'ultime série dite "Célébration" sera sur-équipée et sera motorisée par le 6 cylindres de 4.0 litres porté à 249cv. Proposée en coupé et cabriolet, cette version atteindra au catalogue en octobre 1995 respectivement 405 500F et 472 100F. Sa remplaçante la XK8 reviendra,elle, dans la droite ligne de la type E faisant quasiment oublier cette longue parenthèse XJS qui durera jusqu'en 1995 avec un modèle pourtant très typée 70's.
Finalement la carrière de la XJS sera tirée en longueur afin de faire la jonction avec sa remplaçante. La production totale sera de 115 413 exemplaires dont 79 455 coupés, 5010 Targa XJ-SC et 30 945 cabriolets. Côté moteurs, 83700 versions V12 seront produites contre 31 710 avec le 6 cylindres. On estime qu'environ 1500 XJS ont été vendus en France tous moteurs et carrosseries confondus. Si la Type E avec 72 500 exemplaires reste un succès commercial dans toutes les mémoires, sa production étaient pourtant bien moindre que celles de la XJS longtemps boudée et aux côtes d'occasion nettement plus contenues. Comme quoi ...
Valeur de transaction : à partir de 8000€ mais de 15 à 20 000€ pour un état concours qui plus est découvrable. Contrairement aux idées reçues, le V12 n'est pas forcémment le plus cher. En cause ces consommations d'un autre temps et ces coûts d'entretiens très improtants.
Une XJR-S 6.0 litres peut atteindre les 60 000€ et la Lynx Eventer (le break de chasse donc) numéro 62/67 V12 5.3 de 1991 est actuellement en vente à 99 500€ aux Pays Bas.
La XJS Phase 1 :
La phase 2 :
La XJ-SC cabriolet Targa :
La Lynx Spider convertible apparue avant la version Jaguar :
La réponse Jaguar produite chez Karnann :
La version 6.0 litres :
La version TWR :
Le prototype Daimler :
La XJS dans 'Le retour du Saint" :
Et dans "Chapeau melon..." :
La version Lynx Shooting Break :
Et une très rare version Lynx Performer :
La version de course championne d'Europe ou le grand écart côté marketing avec un coupé GT volontairement très haut de gamme et au comportement si pataud :
photos internet