RENAULT 25 / 1984-1992
La Renault 25 a constitué une importante nouveauté pour la marque au losange lors de l'hiver 1983-1984. Elle a la lourde tache de remplacer le duo R20-R30, véritable pilier de la marque depuis les années 76 et 75 dates de sorties respectives des deux familiales de la marque au losange qui étaient alors les concurrentes directes de la Peugeot 604 déjà traitée dans mon blog ou de la Citroën CX par exemple. Alors pourquoi 25 pour cette nouveauté ? Tout simplement parce qu'elle remplace et concentre les 2 gammes qu'elle se doit de faire oublier à savoir les 4 cylindres pour la R20 essence et le V6 pour la R30 avec une répartition des ventes de plus de 80% pour la R20 et moins de 20% pour la R30 (malgré l'apport du bloc diesel 4cylindres turbo en fin de carrière) avec une production totale à battre de plus de 743 000 exemplaires au total. Le défi est donc de taille, sur fond d'après second choc pétrolier qui a vue l'arrivée des moteurs diesels sur un segment jusqu'alors préservé. Comme les R20/30, la 25 conserve finalement l'idée du hayon arrivé sur la R16 et reconduit ensuite mais avec néanmoins une forme laissant penser à un coffre façon 3 volumes, puisque une maquette de 25 possédait un vrai coffre (photo). Le coup de crayon de l'auto est alors très aérodynamique et le coefficient de son Cx est de 0.28 seulement, un record pour la catégorie. L'habitacle est spacieux et lumineux. Les sièges avants se veulent confortables et la voiture innove technologiquement avec un ordinateur de bord à voix de synthèse ou encore un bloc hifi intégré inédit. La planche de bord justement, très aérienne et moderne est l'oeuvre de Gandini qui sévit habituellement chez Lamborghini et possède une nouveauté bien pratique adoptée depuis par tous les constructeurs : les commandes radios Philips satellites déportées sous le volant.
Produite à partir de juillet 1983, présentée en décembre de la même année, la 25 sera lancée en mars 1984. Elle est rapidement jugée belle, spacieuse, confortable, avec de très bonnes qualités routières. Elle propose en plus des consommations raisonnables, un facteur devenu très recherché par la clientèle. La gamme est alors disponible avec 10 versions pour le millésime 1984 avec une gamme débutant à 85 300F (14482€) pour la TS 2.0 litres de 103cv et l'équivalent de 24 000€ pour la V6 sommet de la gamme en guise de motorisation et de finition spécifique. Pour le reste, TS, GTS, GTX, V6 injection, TD, GTD, Turbo D et Turbo DX, la gamme est complète et se développe rapidement. Elle dispose même d'une boîte mécanique à 5 rapports rallongés (puissance fiscale de 7cv contre 9cv) ainsi qu'une boîte automatique à 3 rapports. Juillet 1984 voit même l'apparition dans la production des versions V6 Turbo et même d'une limousine !
Rapidement le haut de gamme passe donc par une version V6 turbocompressée présentée en mars 1985. L'apport du turbo donne à la voiture une puissance convaincante avec 182cv mais surtout une grande souplesse d'utilisation grâce à son couple de 28.6 mkg disponible sur 70% de la plage d'utilisation moteur soit de 2500 à 4000tr/min. La communication d'alors avait pour slogan "le fabuleux turbo" et qualifiait la V6 Turbo de "référence dans l'univers du haut de gamme Européen". Commercialisée pour le millésime 1986 au 01/07/1985, le prix de vente était de 184 200F avec le cuir en option soit 100 000F de plus que le premier modèle de la gamme 25... Il faut dire que les ambitions sont à peine cachées par la Régie : concurrencer les marque telles BMW, Lancia ou encore Audi dont la croissance importante et le dynamisme impressionnent à travers sa fabuleuse 200 turbo de 182cv qui vient de sortir et dont la version Quattro est même annoncée ! Quoi qu'il en soit, la 25 V6 Turbo avec son 2.5 litres de 182cv possède une mécanique exclusive qui est extrapolée du V6 2.7 litres atmosphérique Peugeot Renault Volvo. Initialement, il faut savoir que la déclinaison turbo du V6 était prévu en 2.3 litres pour 200cv.
Côté diesel, la demande s'accentue fortement. C'est le bloc 2.1 litres de 2068cm3 qui est proposé. Celui-ci a été extrapolé par la Française de Mécanique du 2.0 litres essence de la R20 TS quelques années plus tôt pour la gamme 20/30. Les R25 sont disponibles en versions poussives atmosphériques de 64cv en finitions TD et GTD équivalentes aux versions essences TS et GTS. Mais c'est les versions Turbo D et Turbo DX qui sont les plus appréciées mais plus chères puisque proposées uniquement avec les finitions plus hautes GTX et V6 disponibles sur les essences. La puissance de 85cv avec le soutien d'un turbo accompagné d'un manomètre de pression au tableau de bord peine pourtant face aux concurrentes comme les CX et 604 Turbo D avec leurs vieux blocs de 95cv dont le développement en 120cv est annoncé, la BMW 524TD de 115cv ou encore la Lancia Thema Turbo DS qui ne propose encore à l'époque que 100cv et dont le 2.5 litres sera porté à 115cv.
La gamme séduit et ne nécessitera une retouche esthétique qu'en juillet 1988 pour le millésime 89. C'est alors que la marque va décliner bon nombre de série spéciales pour dynamiser sa routière. Manager, Auteuil, Camargue, la série spéciale Fairway écume en 1987 toute la gamme et fait la part belle à l'équipement : cuir, jantes alu.. D'autres séries françaises et européennes moins connues seront proposées comme la "Havane" ou la "Exclusiv" aux allures de Baccara dès 87, la "Manoir" en 89, et en France la "Meribel" en 90, la "Berverly" ou la "Courchevel" en 91. La 25 clôturera d'ailleurs sa carrière de séries spéciale par la "Olympique 92" proposée à 300 exemplaires entièrement blancs (y compris les jantes alu) sur base de la TXi puisque Renault était partenaire et fournisseur officiel des 1500 véhicules pour le JO d'Albertville. Cette série qui possédait donc le logo officiel de la manifestation était même déclinée sur l'Alpine A610 produite faute de demande à ...2 exemplaires ! Une vraie rareté. Côté motorisations, l'évolution de la 25 a vue le V6 modernisé avec l'adoption d'un catalyseur et une puissance augmentée passant de 144 à 153cv (ou 160cv pour la version non cata). Mais c'est la nouvelle finition Baccara, l'ancêtre de l'Initiale Paris d'aujourd'hui qui séduit. Il faut dire que le blason de la marque est à redoré sur le plan de la finition, bien loin de l'objectif de la marque lors de son lancement ! Climatisation régulée, ABS, sièges avants aux multiples réglages, placages en loupe d'ormes sur la planche de bord, les portes, le levier de vitesse, c'est la qualité du cuir qui enchante cette finition. Le cuir fait un tel effet que le grain très fin dit Nappa est plus agréable que celui des cuirs germaniques. Cette notion est d'ailleurs toujours d'actualité avec la Talisman actuelle, à moins de recourir sur les premiums Allemands à de chères options de cuirs spécifiques. La Baccara possède même un petit plus très classe, puisqu'une housse en cuir est fixée sous la plage arrière, permettant ainsi de mettre à l'abri les costumes bien pliés. Cette approche de détail a aujourd'hui disparue.
Retravaillé également le V6 Turbo voit la pression de son turbo Garret T3 passer de 0.75 à 0.87 bars pour une puissance passant de 182 à 205cv. Cette motorisation très dynamique sera même contrôlée à 210cv sur banc et aura droit à la finition Baccara en guise de finition ultime. Cette version produite à seulement environ 2700 exemplaires est certainement la plus appréciée des amateurs collectionneurs mais aussi la plus rare à trouver en bon état et bien entretenue. Elle reprend la totalité de cette finition haut de gamme et a droit également à de superbes jantes alu nid d'abeille. Contrairement à l'autre version équipée du même moteur les sigles V6 Turbo que l'on trouve habituellement sur le volant et sur les ailes arrières disparaissent au profit de la dénomination "Baccara".
Avec le recul, on assimile la 25 à la voiture de l'Etat Socialiste. Il faut dire que le pouvoir est et a toujours été une vitrine importante de visibilité pour les constructeurs voir même les carrossiers français. En ce début des années 80, la règle est respectée, puisque le nouveau pouvoir arrive avec ces convictions politiques et donc ces véhicules Renault (20 et 30 pour le prestige) de la fameuse Régie Nationale, balayant l'ère Giscard qui avait mis en avant le modernisme des années 70 sur le devant de la scène mais avec la Citroen CX et la Peugeot 604. Cette situation très symbolique avec ce mouvement de balancier très politique satisfait bien la direction Renault puisqu'elle renouvelle et modernise progressivement son image avec son bas de gamme (avec la Supercinq par exemple) mais souhaite redorer son blason avec un véhicule beaucoup plus statutaire que par le passé. Cela passe donc par de la motorisation noble tel la V6 mais pas que. En effet, l'autre version qui reste emblématique et non reconduite sur sa decendance Safrane en 1992 est la version limousine. La régie souhaite proposer un produit encore plus haut de gamme comparable aux routières allemandes et italiennes. Pour cela, elle émet l'idée d'une version rallongée avec un équipement hyper complet afin de proposer une version totalement décallée avec une image prestigieuse. Elle s'inspire du succès de la CX rallongée sur base de break commandée en 1976 par l'Elysée mais aussi de la 604 limousine fabriquée jusqu'alors de façon très artisanale par Heuliez également et d'identifier ainsi sa 25 définitivement dans le haut de gamme. Jusqu'à présent c'était la R30 V6 TX qui le symbolisait. La régie se tourne donc vers cet allié industriel réputé dont la carrosserie au sens large est son coeur de métier : Heuliez. La marque à la carriole (son logo de l'époque) a toutes les compétences pour cette production qui se veut à la fois optimiste mais aussi réaliste de 9000 exemplaires. En effet Heuliez intéressé depuis des années par les Etats Unis a déjà produit la 604 limousine. Pourtant seuls 120 exemplaires seulement sortiront de ces chaînes. La 604 arrivait de Sochaux, était coupée en deux sur un marbre, rallongée puis ressoudée. Le revêtement vinyles du toit et des custodes permettait de masquer les parties découpées. A l'époque c'est Philippe Bouvard qui l'aménage en bureau et devient ainsi son ambassadeur, la première 604 limousine servant de "cobaye" ayant été la 604 personnelle de Mr Heuliez lui même ! Juste avant la 25, un autre essai de limousine avait été réalisé par Heuliez puisque commandé par Mercedes en 1984 sur une base de 560 SEL. Elle n'a pas convaincu la marque à l'étoile qui souhaitait refaire en fait une mythique "600". Cette 560 SEL 6 glaces et 4 portes pas assez statutaire aux yeux des responsables allemands fut conservée et utilisée par la famille Heuliez pendant des années pour ces déplacements personnels avant d'être revendue il y a quelques années lors de la vente aux enchères de la collection Heuliez à la fin malheureusement de l'aventure industrielle. Pour la R25 il est décidé de la concevoir et la produire entièrement chez Heuliez afin d'éviter toutes découpes. La carrosserie est ainsi rallongée sur sa partie arrière avec des portes spécifiques car plus longues. Pas de vitres latérales complémentaires donc. Le style d'origine est ainsi parfaitement préservé. Le logo Heuliez trouve sa place sur le pied milieu de la voiture (entre les portes avant et arrières) puisqu'elle est rallongée de 23cms. L'intérieur typé haut de gamme reprend la finition haute et les options de la 25 disponibles sur la version courte V6 Turbo (cuir,abs, toit ouvrant...). Une option spécifique est même créée pour les places arrières : le pack Exécutive (photo). On y trouve 2 fauteuils indépendants larges avec réglage électrique,un accoudoir central spécifique, et un espace de rangement derrière les fauteuils séparés permettant de mettre attachés cases et autres vêtements. La longueur de la voiture permettait d'indiquer "Limousine" en toutes lettres sur les montants arrières. Plusieurs motorisations sont au programme : le diesel bien sur avec le bon vieux 2.1 Turbo D de ... 82cv mais surtout les V6. V6 2.7 atmosphérique (PRV) de 144cv en BV5 ou BV automatique et le V6 Turbo de 2058cm3 de 182cv. Avec cette dernière motorisation, le prix de vente catalogue était de 228 200 F ! Fin 1983, le régie Renault met toutes ces chances dans la balance en invitant le président François Mitterrand chez Heuliez. Il donne alors son accord pendant la visite pour une 25 Limousine qui lui a été présentée ( bleue marine, intérieur cuir gris). Malgré cette "vitrine" à l'Elysée, la version limousine qui pouvait (comme la berline) être blindée, ne fut pas une référence sur ce marché de niche et sans réels effets sur la gamme courte "classique" . Face aux grosses difficultés financières de la marque, son président d'alors (Mr Georges Besse) fit stopper cette micro production spécifique très coûteuse. Seulement 832 exemplaires sortiront des chaînes de montage de Heuliez, bien loin des 9000 envisagés. Toutes les limousines ont donc été assemblées en phase 1, mais pourtant une version Phase 2 existe.Vendue 16 600€ env il y a quelques temps aux enchères, il s'agit d'une Phase 1 option Pack Exécutive, volée, endommagée suite à un casse, retrouvée à l'abandon non brulée et remise en état par Heuliez mais avec des faces avants et arrières de phase 2.
Une autre R25 Limousine a néanmoins été produite également mais par le spécialiste du blindage Labbé. Cette 25 est découpée afin de rajouter une troisième vitre latérale intermédiaire entre les portes avant et arrière (photo). Seuls 6 exemplaires seront produits.
Toutefois d'autres études sur base de R25 ont été réalisées sans aller plus loin. La R25 Charbonneaux est l'une d'entres elles. L'idée du styliste était de proposer une sur-R25 plus haut de gamme pour l'Allemagne et avec ....un coffre donc une R25 3 volumes. La collaboration débute alors avec le très remarqué et controversé carrossier Sbarro. L'arrière de la voiture est rallongée de 26cms afin de créer une vraie malle bien carrée, la lunette arrière provient d'une Buick, la ceinture de caisse bi-tons est rehaussée de joncs chromés, les enjoliveurs pleins très USA 70'. Enfin la calandre possède une approche très particulière et moche. Motorisée par le V6 de 144cv, et estimée 400 000 F pour la vente éventuelle, le fait que Renault ne reconnaisse pas le modèle et donc n'assure aucune garantie finira d'entérer le projet.
D'autres études de R25 ont eu lieu mais pour déclinée la voiture en break. Souvent impressionnantes, les R25 aux allures de corbillards perdaient toute leur fluidité dans la transformation. Dommage. Enfin de 1987 à 1992, la 25 fût même partiellement exportée vers les USA sous le nom de Renault Premier mais ne fût commercialisée outre atlantique que sous les marques Eagle et Dodge, Renault ayant revendu dès 1987 ces parts. La "Premier" reprenait un châssis de R21 mais des portes et éléments mécaniques de la 25. Elle sera suivie de la "Monaco" sur laquelle les portières de R25 ont de nouveau été implantées (photos)
En 1992, la 25 tire sa révérence puisque la succession arrive et a, à présent, un nom : Safrane. Avec presque 781 000 exemplaires, la R25 fait légèrement mieux que le duo 20/30 qu'elle a remplacée. Pourtant la régie Renault est inquiète : le segment de la routière semble en perte de vitesse et même s'effondrer face à la mode des monospaces dont elle possède l'un des piliés : l'Espace. L'histoire confirmera ces inquiétudes puisque les descendantes de la 25 ne réaliseront que des scores de plus en plus réduits de génération en génération : 310 000 (Safrane), 62 201 (Vel Satis) ce qui laisse entrevoir le naufrage annoncé de la Latitude !
Valeur de transaction : V6 turbo : de 2500 à 6000€ selon état. V6 Baccara : 2500€, limousine : 5 à 6000€
Les feux doubles optiques des finitions hautes (V-, Trubo DX par exemple):
La Phase 2 :
Une V6 injection de la présidence :
La Baccara phase 2 :
La limousine conservée dans la collection Heuliez et revendue depuis aux enchères lors de la liquidation :
La photo de catalogue Limousine :
Le R25 limousine blindée Labbé produite à 6 exemplaires :
La planche de bord de la V6 Turbo avec son volant spécifique, son ordinateur de bord et son manomètre de suralimentation :
Et celle plus traditionnelle d'une gamme inférieure avec toutefois les commandes satellites sous le volant pour la hifi et celles du régulateur de vitesse sur le volant 2 branches :
Les maquettes du projet qui donnera naissance à la R25 dont une à coffre :
La version revue par l'école Sbarro et le styliste Philippe Charbonneaux préentée en 1984 :
Des études de versions breaks ont été réalisées hors du cadre Renault :
Les Dodge / Eagle Premier et Monaco pour les USA équipées de plusieurs éléments de R25 comme les portes :
photos internet