AMC PACER / 1975-1980
Revoyant quelques images du film l'aile ou la cuisse, j'ai repensé à cette voiture au look surnaturel et sortie de nul part utilisée par Coluche : l'AMC Pacer...
Nous sommes aux Etats-Unis au début des années 70. Les constructeurs américains proposent alors des voitures qui sont de véritables paquebots sur roues motorisés par d'énormes moteurs très gourmands qui plus est. Pourtant, la VW Coccinelle rencontre un succès certain à l'échelle planétaire et répond mieux à certains marchés qui intéressent de plus en plus les américains. A cela s'ajoute la vague japonaise dont on sent l'arrivée progressive sur le territoire US avec des modèles compactes également. AMC est une marque américaine de second rang mais qui est légèrement décalée et qui a l'idée dès 1966 de concevoir la Gremlin dérivée de la grosse Hornet dont elle reprendra le châssis aux allures et base de berline mais dont on a tronqué l'arrière pour en faire une compacte. La volonté du président d'AMC est de concevoir alors une nouvelle voiture, compacte, moins énergivore et répondant aux toutes nouvelles normes anti-pollution et de sécurité qui pointent leur nez sur le territoire américain. Le design est quelque peu révolutionnaire au pays de l'oncle sam fief des grosses berlines voir limousines. L'empattement est conservé par économie d'échelle mais l'auto a perdue plusieurs dizaine de centimètres en longueur pour la faire descendre dans le segment des compactes polyvalentes. Destinée au marché d'Amérique du Nord exclusivement, la marque décide rapidement dès 1971 de sortir une version nouvelle aux ambitions mondiales. Volontairement compacte, elle devra s'attaquer aux coeur des citées aux USA mais surtout à travers le monde où la dimension des villes est plus en adéquation avec le produit. La motorisation prévue est elle aussi spécifique et en cours de développement puisqu'il s'agit du moteur rotatif Wankel développé par General Motors sur lequel Citroen a porté également ces espoirs en terme de performances et agrément avant le premier choc pétrolier. Ainsi en plus de pouvoir répondre aux nouvelles normes anti pollution qui se mettent en place outre atlantique via le Wankel, la voiture devra répondre aux premières normes réelles en terme de sécurité.
Cette nouvelle compacte prendra le nom de Pacer. Rondouillarde, la ligne est très avangardiste voire futuriste pour l'époque. Aujourd'hui encore si elle peut sembler moche pour certains, elle interpelle sur une époque de vie du "futur" passé des années hippies. Compacte et maniable, la Pacer est aussi étudiée pour le confort et le bien être des passagers. Le confort, c'est la reprise de "mobiliers" issus de grosses berlines tel les sièges grand confort, mais c'est aussi les dimensions globales de la voiture, dont la largeur identique à ces "grosses" aînées lui procurant un confort de roulage au dessus de ce que connaissent les concurrentes. Le bien être passe par ce qui est peu répandu à l'époque : la luminosité. De ce fait la Pacer fait la part belle à la vitrerie qui représente 40% de la surface de l'auto. L'auto au final est trapue sous forme d'aquarium puisqu'elle est longue de 4.35 m mais avec une largeur de 1.95 m pour un empattement de 2,54 m ! 3 portes, 4 places avec lunette arrière vitrée, le résultat intérieur est tout aussi étonnant puisque la grande luminosité est prédominante et le confort fait de velours et de sièges larges sont digne d'une grosse berline puisqu'elle reprend d'ailleurs les éléments de mobilier. D'ailleurs une autre originalité de la Pacer est d'avoir des portes de longueur différentes. Ainsi la porte droite (passager) est plus longue de 10cms afin de faciliter l'accès aux places arrières. Plus proche de nous Mini BMW a repris la même approche sur sa Clubman qui possédait une porte côté gauche et deux à droite dont une petite à ouverture antagoniste.
Alors que la voiture est proche des premiers essais routiers, la marque General Motors annonce qu'elle abandonne le développement de son moteur rotatif Wankel qu'elle avait pourtant acheté 50 millions de dollars en novembre 1970 avec dans son équipe dirigeante du programme un certain John De Lorean ! En effet lors des recherches et des simulations de centaines de milliers de kilomètres, la fiabilité du moteur rotatif sera largement améliorée et le traitement de sa polution permettait même alors de pouvoir répondre aux normes d'émissions dont l'entrée en vigueur aux USA est prévue pour 1975. Hélas la consommation est gargantuesque et incompressible impactant directement les émissions polluantes du moteur au point que GM malgré des rallonges budgétaires et des repports successif jette l'éponge en septembre 1974. Les avantages du moteur rotatif en terme de poids, nombre de pièces ou encore pièces mobiles par rapport à un moteur V8 de puissance équivalente n'auront pas suffit. AMC comptait bien pourtant implanter cette motorisation inovante sous le capot de sa Pacer annoncée comme telle. Comme AMC produit également des moteurs classiques, elle n'a d'autres choix pour tenir son calendrier de commercialisation que de piocher chez elle et décide contrainte et forcée d'y implanter sous le capot un vieux 6 cylindres en ligne de sa conception mais qui a déjà 20ans... Proposé en deux cylindrées de 3.8 et 4.2 litres, les 6 cylindres qui sont au catalogue ne développent alors que 90 et 95cv. La puissance la plus élevée est réservée à la finition la plus sportive. Ils ont néanmoins tous les deux la lourde tache de devoir mouvoir cette petite compacte qui l'air de rien, aidée par l'acier utilisé et surtout sa vitrerie revendique 1.3 tonnes sur la balance tout en contenant au mieux les consommations qui lors de son lancement en 1975 dans cette ambiance de choc pétrolier va prendre toute son importance.
D'ailleurs rapidement après le lancement en février 1975 même si la ligne est novatrice , AMC va constater ces lacunes sur les chiffres de production et de vente même si les 145 000 exemplaires de la première année laissent espérer une carrière à succès. Hélàs dès l'année suivante les chiffres chutent à 117 000 environ et en 1977 on flirte avec les 58 000 seulement. La voiture au design atypique qui se veut tendance est victime de ces consommations hors normes lors de ces déplacements, phénomène accentué par l'utilisation massive et indispensable de la climatisation dont l'utilisation est obligatoire pour compenser la surface vitrée qui transforme l'habitacle en four. Pour enrayer la chute, AMC tente de repositionner son produit et de l'orienter vers une clientèle plus haut de gamme. Pour celà elle va proposer une version break dite Pacer Wagon plus longue de 34 cms, des finitions plus sportives et cossues mais également à partir de 1978 une version équipée d'un V8 nommé "V eight" qui développe 130cv pour 5.0 litres afin d'être en adéquation avec la masse de l'auto et des exigences de la clientèle visée. Le poids passe alors de 1360 en 6 cylindres à 1550 kilos en V8 et la consommation homologuée en cycle mixte atteint les 13 litres/100 kms. Les 20 litres/100 de moyenne sont désormais à portée de jérican ! Ce moteur commun avec les JEEP AMC de l'époque était exclusivement disponible avec une boîte automatique d'origine Chrysler. Climatisation+V8 + BVA : le coktail gouffre à carburant est en place. Une évolution de la calandre sera proposée pour l'occasion histoire de re-dynamiser la ligne. Seule la face avant devenue plus massive (photo) sera en fait retouchée avec quelques petits détails ainsi que le levier de vitesse qui passe du volant au plancher. Une évolution du 6 cylindres 4,2 litres sera également d'actualité pendant sa carrière. Bridé à 95cv pour répondre aux normes antipollution de 1975, il se voit peu à peu libéré à 110 puis 120cv et améliore les performances de la Pacer jugée à l'origine comme étant trop molle et pataude.
Toutefois et logiguement en fait, les chiffres poursuivront leur dégringolade puisque la Pacer sera produite à environ 23700 unités en 1978 et 11229 exemplaires en 1979 avant 1980 qui marque l'arret de la production avec seulement 1746 Pacer. Initialement prévue pour un volume de d'assemblage de 400 000 véhicules/an, le total général de la production de la Pacer s'élève à environ 360 000 exemplaires répartis entre l'Amérique du nord, le Mexique où elle était produite (et bénéficiait d'une puissance de 174cv car les normes en matière de pollution US ne s'appliquaient pas) et l'Europe dont la taille des villes correspondait mieux à son gabarit. En France l'importation sera réalisée via l'importateur parisien spécialisé Jean Charles Auto basé dans le 16 ème arrondissement, d'où sa présence dans ce fameux film. Ce choix était bien volontaire puisque pour mémoire le fond du film tourne autour du fameux "Tricatel" roi de la cuisine sous vide et production industrielle qui nous semblait si immonde à l'époque... Entre 1800 et 3000 Pacer suivant les sources ont été homologuée chez nous malgré sa consommation gargantuesque. Les tarifs de 1979 allaient de 57 800 à 67 000 F selon les moteurs et carrosseries. En comparaison une BMW 320i bva était à 58 522 F et une Citroên GS Pallas à 32 000 F. D'ailleurs cette même GS a été produite à 874 exemplaires et vite arrêtée par la marque vu ces consommations dans le contexte économique d'alors. Le 6 cylindres avait une puissance fiscale de 24cv et la V8 sortait à 28cv. Certaines Pacer ont également été adaptées en conduite à droite à destination du Royaume-Unis mais on est très proche d'un bricolage réalisé à la demande sur place. Outre le coût très important de transformation l'originalité des portes était ici inversée. Moralité les passagers avaient une porte plus étroite pour accéder à bord alors que le conducteur avait droit à la porte rallongée qui leur était destinée à l'origine et qui est presque génante pour monter et descendre de l'auto. La version V8 arrivée sur le tard aura été globalement produite par AMC à 3528 exemplaires seulement.
Comme toujours depuis le premier choc pétrolier, des déclinaison électriques des modèles thermiques sont tentées à petite échelle voir à l'état de laboratoire unique afin de contourner l'obstacle du surcoût à la pompe. Une déclinaison 100% électrique de la Pacer a donc a été tentée. C'est l'association EVA (Electriq Vehicule Associate) qui s'en est occupé. EVA est issue d'une université de Cleveland et regroupait sous la forme d'une association des étudiants et des enseignants. La Pacer remplissait plusieurs cases qui faisait d'elle un bon cobaye. Très gourmande en carburant, compacte à l'extérieur, grande à l'intérieur et ayant un compartiment moteur pouvant accueillir un V8, elle avait donc de la place pour intégrer un moteur électrique et des batteries. A cela s'ajoutait le retrait de ce qui était utile et voluminueux pour la voiture thermique telle la boîte de vitesse ou le réservoir à essence. La place est là et l'implantation peut s'effectuer. Bon ok nous sommes dans les années 70 et la disposition des batteries n'est pas intégrée comme aujourd'hui dans le plancher. Mieux que cela, au plomb, elle doivent être totalement rechargées après chaque utilisations et nécessitent un entretien tous les mois en rajoutant de l'eau distillé. Cette opération nécessite donc une disposition facile d'accès et sécurisée. Le coffre n'est donc pas totalement condamné mais juste occupé dans sa partie basse (photo). Le compartiment moteur se voit donc occupé par les batteries complémentaires nécessaires à apporter une autonomie de quelques dizaines de kilomètres. Si la voiture est agréable et silencieuse, elle a un problème de taille : le poids. Si la Pacer était sortie avec 1.3 t sur la bascule en version thermique, là c'est pas la même musique : 1.8 t ! Esthétiquement à l'extérieur la voiture est identique à la version thermique. Seule l'indication "Electric Car" permet de la repérer. Elle sera déclinée en berline 3 portes puis en break dès la commercialisation de la Pacer Wagon dans la gamme AMC classique. Elle possède néanmoins un petit moteur thermique accompagné d'un petit réservoir afin d'assurer le chauffage de l'habitacle par exemple. A l'intérieur seuls quelques cadrans sur la planche de bord trahissent la modification d'énergie (photo). Au total on estime à environ une centaine de Pacer transformées jusqu'à ce que la voiture ne soit plus construite par AMC.
Valeur de transaction : de 7000 à 13000€ sur le web
L'écart en largeur entre les portes conducteur et passager sont très visibles sur les 2 clichés ci dessous :
La Pacer phase 2 munie de sa nouvelle calandre façon coupe frites :
L'intérieur étriqué mais visuellement spacieux très US années 70 :
Coluche dans le film "l'aile ou la cuisse" :
Le "petit" 6 cylindres en ligne de la Pacer :
Et le gros V8 dit "V eight" :
Très tendance de nos jours, une version électrique sans réelles performances :
La planche de bord légèrement modifiée :
La Gremlin, grosse berline tronquée sortie avant la Pacer :
photos internet