AUDI SPORT QUATTRO : 1984-1984

7 mars 2015

AUDI SPORT QUATTRO : 1984-1984

Honneur à celle qui deviendra légende alors qu'à sa commercialisation cette série ultra limitée était logiquement boudée compte tenu de son prix : l'Audi Sport Quattro

Né pour un petit véhicule militaire allemand dans les années 50, l'idée d'un véhicule 4x4 deviendra concept Quattro puis réalité à la fin des années 70 avant de devenir une référence incontournable au milieu des années 80. C'est de part son engagement important dans le championnat du monde des rallye que la jeune marque Audi posera la première pierre à la construction de son image et de son incroyable ascension. D'ailleurs de tous les prétendants au titre mondial en rallye de ces formidables et folles années, Audi est le seul à mon sens à avoir su tirer toute la quintessence de son implication en compétition sur le plan commercial au point qu'aujourd'hui si rouler en Audi est l'aboutissement d'une certaine réussite sociale, rouler en Audi Quattro est le must d'efficacité reconnu des connaisseurs mais surtout quelque part une normalité. C'est d'ailleurs si vrai que les deux autres marques allemandes premium de l'époque Mercedes et BMW (Audi n'était pas premium alors), qui étaient largement devant en terme d'image, ont vite tenté de développer et proposer toute une gamme à transmission intégrale mais sans jamais l'égaler. Avec le recul il est clair que le 4 Matic Mercedes et le "X" BMW ont eu bien du mal à percer alors que le système Quattro d' Audi possède une solide réputation. Depuis le milieu des années 80, Mercedes n'a jamais su créer cette image avec un système certes efficace mais techniquement complexe. Quant à BMW, il faudra attendre l'avênement de sa gamme SUV pour que le "X" devienne plus courant sous l'appelation " X drive". Pourtant sur les familiales, le succès n'est pas encore là à tel point qu'il y a pas si longtemps la marque offrait sa transmission intégrale pour 1 Euro !

Retour sur le Quattro : Ellaboré sur 80 berlines de la marque (une 80 2 portes puis 4 portes), ce système Quattro qui utilisera dans un premier temps le pont arrière du VW Iltis (aujourd'hui oublié),sera affiné sur une version exclusive coupé en 1979. Compte tenu des résultats impressionnants lors des essais sur des modèles peu puissants et souhaitant commercialiser un produit exclusif haut de gamme performant, Audi adaptera son moteur le plus puissant disponible sur sa 5T (ancêtre de la 200) avant de devenir officiellement le Coupé quattro. Retravaillé le bloc passe de 170cv sur le 5T à 200cv pour l'exclusif coupé. Pour poursuivre son développement, Audi s'engage dans la compétition en 1981 et plus précisemment en rallye pour démontrer l'efficacité du système. Les adversaires sont tous des véhicules 2 roues motrices (Lancia Rally 037, R5 Turbo, Opel Manta,....) et se prennent régulièrement sur terrains gras ou glissants des dizaines de secondes dans la vue par spéciales ! Les succès s'enchainent malgré quelques ratés du à une fiabilité discutable mais la légende se forge courses après courses.

C'est donc en 1982 que le virage sportif est pris avec la création du Groupe B. Cette nouveauté attirera nombre de constructeurs déjà présents ou qui viendront alors spécialement pour se frotter au gratin mondial du rallye du fait que la règlementation qui donne quasiement carte blanche pour une nouvelle voiture avec une évolution aussi rapide et qui s'averrera finalement fatale. Pour Audi déjà présent avec son modèle qui développe 330 à 400cv, l'heure est à l'évolution de son coupé pour son homologation en Groupe B. C'est Roland Gumpert (qui donnera naissance plus proche de nous à des supercars du même nom) qui sera en charge du programme. Il s'agira d'adapter le modèle existant moins coûteux que l'ellaboration d'un nouveau modèle. Pourtant rapidement les principaux handicaps de la voiture tenteront d'être gommés. Ces handicaps sont le refroidissement moteur d'une part et la taille de la voiture d'autre part avec un porte a faux avant important du fait de la position avant de son moteur 5 cylindres en ligne. Si la voiture est à l'aise sur les grandes trajectoires dégagées, elle se révele délicate et lourde sur les parcours sinueux surtout face à des concurrentes plus trapues et agiles car munies d'un moteur en position centrale arrière (R5 Turbo, Lancia 037, et Peugeot 205 T16). L'idéepasse donc par un raccourcissement0 de 32 cms à l'arrière et 24 cms à l'avant donnant naissance à la Sport Quattro.

Développée pour la compétition, Audi mettra 1 an à mettre au point la Sport Quattro de route mais a mis tout son savoir faire pour commercialiser une série de 200 exemplaires à la fois sportive et haut de gamme, Volkswagen souhaitant inscrire sa marque Audi dans le "premium". Sa carrosserie originale fabriquée chez le carrossier Baur est en fibre de verre (essentiellement du Kevlar) et a pour objectif de contenir le poids de l'auto. avec 1290kg sur la bascule, elle est plus légère de 60 kilos que le coupé Quattro dont elle est dérivée dans l'esprit. Ainsi une aile ne pèse que 1.3 kg et le toit 5.3 kg. Techniquement cette Audi profite d'un tout nouveau moteur en aluminium 5 cylindres de 2133cm3 à 20 soupapes qui pour l'occasion délivre 306cv soit 106cv de plus que le coupé originel. Cette cylindrée extrapolée du fameux 2144cm3 d'origine a été necessaire pour l'homologation en rallye de la version course afin de ne pas dépasser les 3000cm3 qui est lié au coefficient de 1.4 de part la suralimentation (2133 x 1.4 = 2986cm3 ). Et pour la course cette barrière ou équivalence des 3000cm3 donne des voitures ayant un poids inférieur à la tonne ! Bref que du muscle !

La largeur de la voiture est accrue de 95 millimètres à l'avant pour favoriser les prises d'air pour son refroidissement indispensable. A présent le refroidisseur d'air du turbo utilisé est de même taille que la version course permettant à la température de passer de 140 à 60°. La pression de turbo peut ainsi atteindre une pression de 1.04 bar pression peu répandue à l'époque. Les performances sont éloquentes : 0-100km/h en 4.9 secondes et 265 km/h mesurés en pointe. Si la Sport Quattro fait l'impasse sur l'élégance avec son CX aérodynamique de 0.44, c'est pour mieux jouer la carte de l'efficacité. L'objectif étant son homologation en groupe B, elle se veut aussi luxueuse et confortable que sportive une fois poussée dans ces tours rageurs et ces derniers retranchements. Sur la route la voiture est collée à la route et les 5 cylindres hurlent avant d'être coupés lors du changement de rapport par le bruit caractéristique et impressionnant de sa soupape de décharge. Si l'impasse a été faite sur les vitres électriques, ou le rétroviseur droit, il n'en ai rien pour les sièges puisque de superbes Recaro en cuir et tissus sont positionnés à l'avant. La banquette arrière 2 places en cuir fait plus de la figuration, la voiture étant plus une 2+2 qu'une réelle 4 places.La planche de bord est issue de la 200 sur laquelle a été rajouté quelques cadrans indispensables.Le compte tours atteint 9000 tr/min et la vitesse 300 km/h. Le décors est planté ! Côté coffre, il est limité en volume par rapport au coupé "long" d'origine et par soucis de place et de poids, la voiture ne possède pas de roue de secours mais un kit anticrevaison.

A l'usage comme en course cette quattro se révélera très efficace mais aussi piégeuse à tel point que la version course sera reconnue comme étant très difficile et délicate à dompter (photo). En effet si le moteur de la version civil est relativement léger (145 kilos), il est situé à l'avant avec une répartition des masses pas très favorable puisque seul le réservoir de 90 litres (officiel) est à l'arrière. Moralité, sous les poussées puissantes des 306cv (certains tests sur bancs en trouveront 340 !) l'arrière a tendance à se dérober faute d'appuis suffisants. Il faut donc du doigté d'après les essayeurs de l'époque pour tirer de la voiture tout son potentiel, cette même auto qui au quotidien peut se conduire sur un filet de gaz. Pour la notoriété, la marque s'appuie sur les célébrités de l'époque séduites par la technologie dès 1980 : Juan Carlos d'Espagne, Franz Beckenbauer, ou encore Herbert von Karayan.

Pour la course le pilotage était donc difficile voir exténuant et avec toujours des problèmes de surchauffe moteur récurrents. C'est donc en 1985 qu'Audi développe une version Evolution esthétiquement très impressionnante : la S1 . Pourtant conscient des limites de la disposition mécanique du moteur à l'avant, Audi concocte un prototype quattro sport RS 002 à moteur central arrière comme la redoutable et efficace Peugeot 205 Turbo 16. Malgré 6 prototypes, la marque préfère lancer sa S1 à la tenue de route pourtant aléatoire. Bien sur la puissance moteur est augmentée et les 550cv sont régulièrement exploités. Mais derrière cette coquille énorme, Audi a favorisé les appuis à l'avant mais surtout à l'arrière avec un aileron impressionnant (photo). La répartition des masses est également revue et tout ce qu'il était possible de déporter à l'arrière l'a été comme le refroidissement avec au final un 52 % à l'avant et 48 % à l'arrière. Les entrées d'air sont nettement plus importantes. Au final la voiture sera plus efficace et surtout plus facile à piloter que la première sport quattro mais la concurrence sera également beaucoup plus affutée. A noter que cette Audi sera équipée de la fameuse boîte Porsche à double embrayage PDK qui est aujourd'hui une référence avec la DSG de VW. Elle réalisait alors le 0-100km/h en 3.1 secondes.

Les évènements dramatiques de course stopperont le groupe B et le groupe S sera abandonné. Les dernières Audi Sport Quattro S1 termineront leur carrière à la course de Pikes Peak ainsi qu'un rallye cross. La course américaine de Pikes Peak a en effet vu arriver la S1 Evo2. Forte de plus de 600cv elle devait initialement arriver en championnat du monde des rallyes en 1986. Une version Sport Quattro de première génération a même tenté sa chance sur les pistes de Dakar sans succès.

La production finale officielle de Sport Quattro civilisées sera de 217 exemplaires dont 164 pour les clients, les autres étant réservées aux pilotes et aux développements divers.Par couleur la production sera ainsi répartie : 128 rouges / 48 blanches / 21 bleues / 15 vertes et 2 noires. D'autres chiffres de production fuitent également. Ils vont de 212 à 224 exemplaires. Le prix de l'exclusivité sera de 782 000 F de l'époque à comparer aux 324 500 F du coupé 200cv ou aux 540 800 F d'une 911 Turbo de 300cv. Compte tenu du tarif, les voitures se vendront non sans mal jusqu'en 1987 alors qu'aujourd'hui elles sont parmis les plus recherchées de la marque. Malgré les tarifs, le sultan d'Oman avait à l'époque commandé 14 exemplaires avec le volume de pièces détachés qui vont avec. Les éléments carrosserie étaient et sont toujours hors de prix, la partie mécanique s'averrant être avec le temps très fiable, le problème de surchauffe n'affectant la voiture que dans les cas extrêmes de la compétition.

Côté image et communication et pour parfaire de convaincre les acheteurs potentiels de l'efficacité du système Quattro, une fameuse publicité particulièrement spectaculaire est tournée en 1986. En effet une Audi 100 CS totalement d'origine est positionnée en bas d'un tremplin à ski enneigé. Le but est d'effectuer la remontée longue de 78 mètres avec un angle de 37.5° ! A son volant l'ancien pilote allemand Harald Demuth ne voit que les nuages et n'est assuré que par un simple câble au cas ou. C'est sans encombres que l'Audi monte au sommet munie de simples pneus clous.

Valeur de transaction : 60 000 à 80 000 €