PORSCHE ALMERAS 930 3.3 BI-TURBO / 1984-1985
Almeras un nom qui sonne bon la course pour les passionnés ! C'est l'histoire de deux frères tombés dans la marmite Porsche depuis de nombreuses années. Rallye, endurance, courses de côtes,... toutes les catégories sont bonnes du moment qu'il y a une 911 au point de devenir "spécialiste Porsche" reconnu par le constructeur. Il faut bien admettre que le mythe 911 est agile et performant quelque soit les terrains et qu'ils savent parfaitement l'exploiter en course !
Nous sommes en 1984 lorsque les deux frères entreprennent la réalisation d'un exercice de style, un prototype haute performance qui sera homologué pour la route et immatriculé en bonne et du forme ! Partant du principe du "qui peut plus peut moins", ils ont décidé de réaliser cette véritable bête de course puis d'en récolter les fruits pour proposer certains de ces développements à leur clientèle. Car au delà de la compétition pure, les frères Almeras proposent un catalogue de modifications techniques et esthétiques pour les insatisfaits de la Porsche d'origine. A l'époque ce sont les 911 et 924 qui peuvent être modifiées à la carte au point de leur donner un look dit "turbo", de 935 ou encore de 924 GT (déjà abordée dans article sur la 924 Turbo). Les plus modifiées des 911 portent même des noms exclusifs telle la "Reganeaous"ou encore la version "Occitania". Néanmoins elles portent plus l'habit d'un tuning bien fait (la vocation d'origine des frères) que d''une préparation à la "Ruff" pour les connaisseurs du genre. Parallèlement à cette activité dans leur garage alors au milieu de nul part sur la commune de Saint Jean de Vedas en banlieue de Montpellier, les frères Almeras sont agent...Peugeot et plus précisément PTS c'est à dire Peugeot Talbot Sport. En effet Jean Pierre Nicolas, autrefois vainqueur du Monte Carlo à la fin des années 70 au volant d'une 911 de leur préparation est pilote chez Peugeot. C'est ainsi que les 505 Turbo, 205 GTi ou encore 205 Turbo 16 passent dans leurs ateliers pour la route mais aussi pour la préparation piste avec pour ces Peugeot dont les engagements se font dans toutes les disciplines.
Avec cette Bi-turbo, l'idée est d'aller nettement plus loin avec des modifications profondes techniques et esthétiques. Bien sur la base, vous l'aurez deviné, est la redoutable 930 Turbo. Si l'allure générale ne laisse planer aucun doute, les transformations sont importantes à l'avant, à l'arrière jusqu'au pare brise incliné pour améliorer l'aérodynamisme. A l'époque, les comparaisons avec la 959 de l'usine sont multiples. Courbes et lignes abruptes, prises d'air diverses et variées, le mélange séduit autant qu'il dérange. Il dérange à l'avant :tout d'abord avec la disparition des feux de 911 aux formes inimitables remplacés par 6 optiques dont deux énormes longues portées logées dans le pare-choc. Loin de vouloir créer véritablement un nouveau style, il faut que la voiture puisse éclairer correctement à haute vitesse. Les leds, xénons ou feux lasers ne sont pas encore à l'ordre du jour dans les années 80, la technologie utilisée est classique et extraite de leur expérience aux 24h du Mans. Le reste de la carrosserie latérale et arrière choque moins et est destinée à faire respirer les freins et surtout le moteur surboosté.
Le moteur est la pièce maîtresse de cette étude. Le flat 6 de 3.3 litres est pris pour base mais profondément remanié. Ainsi la culasse, les arbres à came et les pistons sont renforcés, afin de résister à la surpression créée par l'implantation d'un deuxième turbo de marque KKK. L'injection provient de la 934 de course en étant néanmoins modifiée. La pression de suralimentation peut ainsi atteindre 1.1 bar (contre 0.8 maxi avec un simple turbo). Elle est d'ailleurs modulable depuis l'habitacle grâce à une molette issue elle aussi de la compétition et qui est disposée devant le levier de vitesses. Le refroidissement de cette cocotte minute est assurée par des échangeurs air/air et radiateurs spécifiques dont l'implantation est elle aussi unique. La contrainte est importante puisqu'il s'agit d'adapter une motorisation digne de la compétition sur une voiture à utilisation routière et ce sans les gros moyens financiers d'adaptation et de développement d'un grand constructeur. Ainsi modifié le 6 cylindres 3.3 litres de la 930 turbo passe de 300cv (330 cv pour la version Turbo SE dite Flat Nose) à 441cv pour un couple de plus de 50mkg un record pour l'époque. La puissance au litre passe ainsi de 91 à 120cv. Imaginez les contraintes terribles y compris celles de la boîte de vitesse et des pneus. La boîte provient elle aussi du monde de la course et est refroidie par un radiateur d'huile spacialement dédié. Si la première 911 Turbo 3.0 litres de 260cv impressionnait par l'étagement de sa boîte à 4 rapports avec sa première à 90 km/h, celle de la Bi-turbo, elle aussi à 4 vitesses, vous colle carrément au siège ! 1ère : 95. Seconde : 165. Troisième : 231 km/h pour finir à fond de 4 à 291 km/h chronométrés et ce avec une stabilité qui faisait alors rêver la firme de Stuttgart ! 400 m départ arrêté en 12.3 secondes, 22.2 secondes suffisent pour abattre le 1000 mètres depuis l'arrêt et des reprises canons comme le 80 à 140 km/h en 3.7 secondes seulement. Le C.V de la voiture est donc bien rempli ! Le réservoir de 100 litres n'était pas inutile non plus, la bête engloutissant en moyenne 27 litres/100 kms avec une pointe à 35 litres une fois à fond. Seule contrainte : être dans les tours afin de limiter autant que possible le fameux temps de réponse si problématique dans les années 80. Petite précision, les deux turbos KKK initialement prévus ont été échangés contre des plus petits de même marque afin de réaliser les chronos officiels et pour réduire justement ce temps de réponse. Pour freiner toute cette cavalerie, les freins provenaient également de la compétition.
Au delà de l'incroyable maîtrise de la gestion du moteur et de la boîte de vitesse que ce soit en accélérations qu'en reprises, c'est l'étude et le traitement des pneumatiques qui seront la source principale des difficultés de mise au point mais aussi de l'avenir inattendu de l'auto. En effet à l'époque, les frères ont du s'adresser directement à Michelin pour développer des pneumatiques capables de supporter de telles contraintes sur une voiture de route. Si les meilleures gommes de l'époque se nommaient MTX, le bibendum développera une nouvelle arme qui donnera satisfaction sur ce produit bien à part le M2X ou MXX. Si le pilotage de la voiture peut sembler compliqué sur le sec que dire sous la pluie ? En fait d'après les quelques rares essais effectués à l'époque, la voiture semble relativement docile même si la prudence était toujours de mise et les notions de pilotage une obligation. Les pneumatiques étaient montés alors sur des jantes BBS équipés de flasques destinées à refroidir les freins. Nous étions bien dans une étude à haute vitesse !
L'habitacle était traité façon compétition. Si la configuration d'origine 2+2 était conservée, ainsi que l'habillage des contres portes, un arceau avait été adapté pour maintenir la protection et la rigidité de la caisse, ainsi que des sièges baquets en cuir maison aux renforts latéraux forts marqués. La planche de bord d'origine était conservée, seule la partie du levier de vitesse était spécifique avec devant lui 2 manomètres, la fameuse molette et au dessus un thermomètre indiquant la température de l'air un fois comprimé, thermomètre disparu depuis et remplacé par un simple autocollant "Almeras Frères"(photo).
Cette Bi-turbo bien particulière n'a pas eu de descendance ni de commandes clients. L'exemplaire est donc resté unique et utilisé par Michelin pour tester et mettre au point des pneus haute vitesse, les fameux TRX. Ré immatriculée depuis, la voiture étant à l'origine munie de plaques "noires" et immatriculée dans l'Hérault (34), la Bi-turbo a été vendue récemment aux enchères après avoir été remise en état chez Almeras dans sa configuration quasi d'origine à quelques améliorations modernes prêt (freins, gestion moteur,...). La plaque constructeur Porsche de l'époque précise avec le numéro de série qu'il s'agit d'une type "930 reconstruit" en date du 28/11/1984 (photo). Elle est à présent chaussée de Pirelli P Zéro (photo) !
Estimée en 1985 à 650 000 F (une "Turbo" d'usine était vendue un peu moins de 500 000F), elle a été cédée en juin 2015 contre 83 440 € pour une estimation qui était de 80 000 à 120 000 €.
Le garage des frères Almeras s'est agrandi puisque outre la partie préparation, entretien, réparation et restauration Porsche-Almeras, ils sont aussi concessionnaire Peugeot toujours à Saint Jean de Vedas.
Photos internet